Le Comité du label ISR, présidé par Michèle Pappalardo, a adressé à Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, sa proposition définitive de refonte du référentiel du label applicable aux valeurs mobilières. Les adaptations préconisées résultent de 18 mois de travaux et de consultations auprès des différentes parties prenantes de la place, sociétés de gestion, experts ESG et climat, agences de notation, superviseur… 

Le label ISR, créé en 2016, est devenu un outil majeur de la finance durable en France, avec plus de 1 200 fonds aujourd’hui labellisés. En octobre 2021, Bruno Lemaire a demandé au Comité du label, renouvelé à cette fin, de lui proposer un nouveau référentiel mieux adapté aux défis auxquels doivent répondre les gestionnaires d’actifs dans un contexte de transitions sociales et environnementales en forte évolution. Le Comité du Label propose donc une version profondément remaniée du référentiel, qui conserve certes les grandes caractéristiques du label ISR mais qui est plus exigeante pour les gestionnaires des fonds, plus lisible pour les épargnants et plus efficace pour accompagner les progrès de la finance vers une économie plus durable. 

Tout au long de ses travaux, le Comité du label s’est efforcé de rester à l’écoute des différentes parties prenantes. En particulier, après une première consultation sur les orientations générales durant l’été 2022, le projet de référentiel lui-même a fait l’objet d’une consultation publique au mois de mai 2023, qui a permis de rassembler une soixantaine de contributions, dont de nombreuses contributions collectives. Le Comité du label a analysé ces documents et a cherché à améliorer sa proposition initiale, tout en maintenant ses objectifs d’exigence, de lisibilité et d’efficacité. La proposition définitive de référentiel intègre donc des modifications qui permettent de répondre aux commentaires sur le trop grand nombre d’exigences supplémentaires imposées dans un calendrier trop resserré et sur les incertitudes quant à la disponibilité des données, notamment en raison du manque de visibilité sur les exigences de reporting extra-financier définies par la CSRD1. Le Comité a notamment adapté l’exigence et le calendrier de mise en œuvre de certains critères, afin de laisser plus de temps aux sociétés de gestion pour s’adapter aux nouvelles exigences et collecter les données nécessaires à l’évolution de leurs politiques de gestion. Il s’agit donc essentiellement d’évolutions de dispositions opérationnelles, sans conséquences sur les orientations de fond. 

La proposition définitive, transmise par le Comité du label au ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, s’appuie sur les trois axes majeurs de la refonte du référentiel formulés au mois d’octobre 2022 et s’inscrit dans la continuité du projet de référentiel proposé à la consultation en avril : 

1. La réaffirmation du caractère généraliste du label mais avec une sélectivité renforcée : le taux de sélectivité passe de 20% à 30% et la définition de l’univers d’investissement initial est plus stricte. Par ailleurs, les notations ESG des émetteurs doivent progressivement prendre en compte, au minimum pour 20%, chacun des trois domaines E, S, et G, afin d’éviter que certains émetteurs puissent faire « une impasse » sur l’une de ces trois dimensions. Contrairement au référentiel précédent, des exclusions sont prévues en matière d’environnement (charbon, fossiles non conventionnels notamment), dans le domaine social (non-respect des droits humains, armements controversés, tabac) et en matière de gouvernance (blanchiment, financement du terrorisme, non 

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1 DIRECTIVE (UE) 2022/2464, ou Corporate Sustainability Reporting Directive 

coopération fiscale). Enfin, les dispositions concernant la gestion des controverses, la politique d’engagement actionnarial et de vote sont plus précises et contraignantes. 

  1. L’exigence systématique de double matérialité dans la gestion des fonds labellisés : dans un souci de cohérence avec les réglementations européennes et d’exigence de la démarche ESG, l’approche de « matérialité financière », prenant classiquement en compte les effets financiers des enjeux E, S et G sur les portefeuilles, doit être complétée par « la matérialité socio-environnementale », c’est-à-dire l’incidence des investissements des fonds sur l’environnement, le domaine social et la gouvernance. A cette fin, les fonds doivent prendre en compte les Principales Incidences Négatives (PIN), telles que définies par le règlement européen SFDR2, ce qui implique une analyse par les fonds de l’ensemble des effets négatifs potentiels de chaque émetteur de leur portefeuille. Par ailleurs, les fonds doivent s’engager à obtenir une meilleure performance que leur univers d’investissement initial sur deux indicateurs les plus en phase avec leurs objectifs ESG, dont un doit être sélectionné parmi ceux proposés par la SFDR. L’objectif est de mieux garantir la cohérence entre la stratégie ESG, les objectifs ESG et les indicateurs de suivi de la performance.
  2. L’intégration d’une politique climat dans la gestion de tous les fonds labellisés. Même pour un label généraliste, l’urgence climatique rend nécessaire un traitement particulièrement exigeant des fonds labellisés au regard de leur impact sur le climat. Cela conduit le Comité du label à prévoir des exclusions des activités les plus négatives pour l’environnement (charbon, fossiles non conventionnels…) et à élaborer une démarche innovante d’accompagnement de la transition écologique. Celle-ci s’applique aux entreprises des « secteurs à fort impact climatique » définis par la règlementation européenne3, tant en termes de production d’énergie que de consommation, afin de s’assurer qu’elles ont bien un plan de transition crédible et cohérent avec les objectifs de l’Accord de Paris. Afin de permettre aux acteurs de s’organiser pour respecter cette condition, le Comité prévoit un calendrier progressif, en fonction de la taille des émetteurs concernés, calé sur celui de la CSRD mais avec une première phase anticipée pour les entreprises de plus de 5 000 salariés. Si le plan de transition proposé par l’entreprise, constitué d’une trajectoire, de moyens d’action et d’une gouvernance adaptée, n’est pas satisfaisant, le fonds doit accompagner l’entreprise par un acte d’engagement d’une durée maximale de 2 ans. Une entreprise qui n’aurait pas de plan de transition crédible au terme de cette période ne peut pas être conservée en portefeuille.

Sur la base de cette proposition du Comité du label pour la refonte du référentiel, il revient dorénavant au Ministre de publier la version finale, qui entrera en application quelques mois après sa publication. 

Au-delà d’une révision programmée pour les prochains mois du label Immobilier ISR, le Comité du label entend poursuivre dès à présent ses travaux pour aboutir à une vision partagée d’une diversification du label, le futur référentiel devant être considéré comme un socle sur lequel pourraient s’appuyer des branches thématiques, des variantes pour certaines classes d’actifs ou des niveaux d’exigences supplémentaires. 

Michèle Pappalardo, présidente du Comité du Label ISR commente : « Le comité du label ISR a tenu à proposer une refonte du référentiel qui permette d’accompagner avec exigence les évolutions de la finance durable. Une plus grande sélectivité, la mesure des conséquences potentiellement négatives 

des investissements sur les dimensions E, S et G, les exclusions et la nécessité de plan de transition pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris font du nouveau référentiel que nous proposons un outil efficace pour un label ISR crédible, très structurant et à bien des égards pionnier. Je remercie les membres du Comité ainsi que les différentes parties prenantes, engagés depuis plusieurs mois pour aboutir à cette refonte très ambitieuse. ». 

2 RÈGLEMENT (UE) 2019/2088 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL 3 Au sein de l’annexe 1 du RÈGLEMENT DÉLÉGUÉ (UE) 2022/1288 

Emmanuel Mayega
A propos de l'auteur

Directeur de la rédaction et de la publication du magazine Assurance & Banque 2.0 et de ce site, Emmanuel a une connaissance accrue de l’intégration des technologies dans l’assurance, la banque et la santé. Ancien rédacteur en chef de ce magazine, il a pendant plus d'une décennie été rédacteur en chef adjoint d’Assurance & Informatique Magazine. ll est un observateur affûté du secteur. Critique, il se définit comme esprit indépendant et provocateur, s’il le faut.

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