Prospective : Que vont devenir nos banques si ChatGPT devient mon conseiller bancaire ?

En pleine transformation numérique, le secteur bancaire s’oriente progressivement – et inexorablement ? – vers un modèle de “Banque as a Service”. L’avènement toujours plus prégnant des IA génératives et conversationnelles dans la relation client laisse à penser que demain notre conseiller bancaire sera une IA. Mais alors quid des vrais conseillers « humains » ?

Au cours des derniers salons dédiés à l’informatique bancaire, l’ensemble des présentations auxquelles nous avons assisté laissent entendre qu’il existe un triple-sujet de mécontentement des clients sur leur relation avec les grands groupes de Banque / Assurance. 

En premier lieu, le client ne perçoit plus son conseiller comme un interlocuteur de confiance mais comme un commercial qui tente de lui vendre un maximum de produits sur lesquels il est commissionné, sans prendre en compte (ou trop rarement) l’intérêt du client. En second lieu, il lui reproche de ne pas jouer son rôle d’assistant intime dans les moments importants de la vie, ce qui représente pourtant une attente majeure pour une majorité de particuliers. Enfin, les self-services digitaux ne sont pas à la hauteur des standards imposés par les applications mobiles, obligeant les clients à repasser par la case agence. Patrice Bernard l’analyse même comme une « digitalisation ratée ».

Ces reproches, clairement exposés dans un contexte de crise de confiance, montrent l’incapacité des services financiers à exploiter correctement la data au bénéfice du service client – alors même, protégé par le RGPD, le client consent à l’exploitation de ses données personnelles en contrepartie d’un service de qualité, personnalisé, avec une vraie valeur ajoutée.

Les banques sont-elles prêtes à disparaître pour survivre ? 

Cette question est légitime tant les évolutions sont grandes en matière d’IA génératives et conversationnelles. En effet, il semble désormais acquis qu’à courts ou moyens termes, les « Chat » divers – ChatGPT bien entendu, mais il n’est pas le seul – seront de bien meilleurs conseillers que l’interlocuteur disponible en agence. Mieux formé, mieux renseigné sur les habitudes des clients, disponible, visionnaire, il n’est peut-être pas en mesure de remplacer l’expert en gestion de patrimoine, mais il est tout à fait capable de détrôner le conseiller ‘lambda’ incapable de comprendre son rôle dans la relation client.

Alors oui, il est nécessaire d’anticiper ce nouveau paradigme dans lequel la relation client sera gérée par un conseiller boosté à l’IA. Mais dans ces conditions, comment une banque peut-elle survivre dans cet écosystème ?

Une réponse peut passer par sa capacité à disparaître, du moins en frontal, accepter la désintermédiation, l’interaction directe avec le client, se dissoudre dans le quotidien de ses clients pour conserver la maîtrise des services financiers historiques. Car une banque est un prestataire de service, une fonction qui prend son importance dans un moment de vie plus global.

L’IA transactionnelle et générative, nouvelle génération de conseiller de vie ?

Les banques avaient déjà profité de l’APIsation du marché et de l’écosystème des Fintechs pour mettre en place plus rapidement de nouveaux services innovants, comme par exemple des terminaux de paiements (Sumup, iZettle) et recentrer leur rôle sur certaines activités plus stratégiques et pour lesquelles elles sont plus légitimes. 

Cette acceptation d’une relégation en tant que prestataire de service d’une IA transactionnelle, générative et capable d’endosser le rôle de conseiller de vie, passe à nouveau par une ouverture maîtrisée et sécurisée de son système cœur, grâce aux API. Celle-ci s’accompagne forcément d’une couche supplémentaire, capable d’ouvrir l’interaction avec les IA, à savoir des outils de marketplace qui permettent à l’établissement bancaire de transformer l’API technique en produit digital. Ces DSM 1.0 (Digital Service Marketplace), vitrine d’exposition de services digitaux à destination des Business Développer et des développeurs humains, vont devoir évoluer, se transformer, pour simplifier leur découverte (parsing) par les IA et la consommation de leurs services exposés.

En  effet, aujourd’hui, la maturité de la technologie existante rend possible cette transition et permet de nourrir pleinement une ou plusieurs IA pour un service client “parfait et complet” : les produits bancaires et financiers existent en tant que “produits informatiques”, les liens entre IA  et  banques sont possibles, la sécurité des échanges et la confidentialité des données peuvent être garantis, et les systèmes informatiques actuels autorisent la prise en charge facile des standards existants (DSP2, RTS,..) et des différents réseaux de connexion bancaires ((SWIFTnet, SFTP, EBICS…). 

Mais pour que l’IA puisse devenir un bon “conseiller bancaire”, les banques vont devoir comprendre comment l’IA va aller chercher l’information. A l’instar d’une IA “joueuse d’échecs” qui, une fois les règles du jeu apprises, s’attachera ensuite à bâtir ses propres stratégies, une IA “conseiller bancaire” va comprendre les enjeux, disposer des informations clients et ensuite développer des stratégies de recherche pour proposer les produits financiers les plus adaptés. Et la logique d’une IA n’est pas la même que celle d’un humain. Il va alors s’agir pour la banque de créer des marketplaces de services digitaux conçues spécifiquement pour correspondre à la logique développée par l’IA.   

Dans une banque ChatGPTisée, quelle place pour l’humain ?

Si la tâche de “conseiller bancaire” est transférée à une IA, la question de la place de l’humain sera posée. 

Le métier même de conseiller bancaire a dû et su évoluer au cours des dernières décennies. Jusqu’au début des années 2000, nous allions voir notre conseiller bancaire en agence pour obtenir un extrait de compte ou pour retirer de l’argent. Ces fonctions ont progressivement été transférées aux DAB. Avec l’avènement des IA “conseillers bancaires”, le rôle de l’humain va de nouveau évoluer vers plus de valeur ajoutée. 

Ainsi, dans cette optique, 90% des réponses apportées aux questions et demandes de conseils de la part des clients de la banque viendront des IA. L’humain, lui, devra se concentrer sur du conseil de deuxième niveau, notamment la  gestion de patrimoine ou la gestion de fortune.  Au-delà de la complexité inhérente à ces dossiers, une dimension psychologique va également entrer en jeu : un client prêt à investir 1 ou 2 millions souhaitera s’adresser à un être humain et  non une IA. Et même sur ce terrain, les IA pourront apporter une capacité de recherche et d’analyse permettant de créer une nouvelle classe de conseiller bancaire humain : le conseiller augmenté, qui puisera ses conseils dans les informations transmises par les IA et dans leur expertise. 

Alors, comment devront évoluer les banques ? 

C’est toute la question ! Si des secteurs comme le Voyage et le Tourisme ont déjà intégré des services de DSM dans leur modèle économique, aucune banque n’a encore franchi le cap de la DSM 2.0. 

Une chose est certaine : il y a un enjeu d’optimisation des interactions bien diffèrent de l’interaction humaine pour cette nouvelle génération de technologie. Une IA est un client pour qui la couleur, le design, l’accessibilité humaine, importent peu. Il faut comprendre ses mécanismes de découverte, d’utilisation des produits digitaux qui sont mis à sa disposition, via ces DSM 2.0. En revanche, elle aura plus de difficultés à souscrire un plan payant… du moins dans un premier temps. 

Alors que le chapitre relatif aux études marketing relatives aux produits digitaux commence à s’écrire, le sujet du prochain chapitre est déjà connu : celui du marketing à destination des IA, pour identifier leur logique de recherche et d’utilisation des données. Encore de belles choses à découvrir.

Emmanuel Mayega
A propos de l'auteur

Directeur de la rédaction et de la publication du magazine Assurance & Banque 2.0 et de ce site, Emmanuel a une connaissance accrue de l’intégration des technologies dans l’assurance, la banque et la santé. Ancien rédacteur en chef de ce magazine, il a pendant plus d'une décennie été rédacteur en chef adjoint d’Assurance & Informatique Magazine. ll est un observateur affûté du secteur. Critique, il se définit comme esprit indépendant et provocateur, s’il le faut.

Site web : http://www.assurbanque20.fr

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