Un gestionnaire d’informations clients, commun aux banques de la place, leur permettrait de réduire de plus de moitié le coût de leur conformité (suppression de tâches redondantes liées à la gestion des informations clients), mais aussi d’augmenter la qualité de ces dernières. Il améliorerait également l’expérience des entreprises vis-à-vis des banques. Selon le dernier rapport de Strategy&, l’entité de conseil en stratégie de PwC « Saving a bundle on banks’ data costs : Setting up utilities to manage client data ».

A l’heure du data-driven, centraliser les données constitue un avantage conséquent pour les banques. Les banques mondiales consacrent chacune jusqu’à 88 millions de dollars par an à collecter et à stocker des informations sur les entreprises clientes. Pourtant, à ce stade, cette activité ne leur apporte aucun avantage concurrentiel, et répond uniquement aux obligations réglementaires de lutte anti-blanchiment et de financement du terrorisme et d’identification des clients (Know Your Customer).

Selon les experts Strategy&, les banques concurrentes auraient intérêt à travailler ensemble pour centraliser leurs informations clients au sein d’un unique « gestionnaire de données » (« KYC Utility »). Dans un contexte où les banques peinent à améliorer leurs marges, elles pourraient ainsi réduire les coûts et délais liés à la collecte, au stockage et à la gestion de ces informations clients. Ces dernières, qualitatives et plus précises, permettraient ainsi de réduire considérablement les risques liés à la conformité.

En fait, un réseau commun de données est une véritable aubaine pour les entreprises. Les demandes répétées des banques sont sources de frustration pour toute entreprise ayant des comptes dans plusieurs établissements. Un gestionnaire d’informations clients améliorerait l’expérience des entreprises en leur permettant de ne remplir qu’un formulaire pour tous les établissements bancaires, avec les mêmes rubriques à renseigner pour chacun.

« Les attentes croissantes des régulateurs en matière de connaissance client doivent inévitablement conduire les acteurs du système bancaire à repenser leur manière de collecter les informations relatives à leurs clients. La mise en place d’un gestionnaire de données permettrait aux banques d’économiser un temps considérable sur la collecte de ces documents, qui doivent être obtenus lors de l’entrée en relation d’affaires mais également mis à jour de manière régulière, et de se concentrer davantage sur l’analyse qui doit en être faite, véritable enjeu de conformité des banques. » selon Sébastien d’Aligny, Associé en charge de la conformité et de la règlementation bancaire chez PwC France.

Malgré l’existence de quelques obstacles, la création d’un outil global est une priorité absolue pour les banques. La création d’un gestionnaire de données nécessite au préalable de lever certains obstacles et notamment : s’assurer que l’ensemble des parties prenantes (clients, banques, autorités de réglementation, etc.) reconnaissent le gestionnaire d’informations comme une entité indépendante, fiable et stable ;

Etablir au préalable un modèle de gouvernance solide visant à s’aligner sur un format standard de données, qui convienne à tous compte tenu de leurs différents environnements. En effet, chaque banque a sa propre façon de recueillir, stocker et interpréter la réglementation en matière de données clients ; et certaines banques recueillent en outre des informations supplémentaires sur leurs clients conformément à leurs politiques internes de gestion des risques et de conformité.

« A terme, chaque régulateur devrait chercher à encadrer la création de ces gestionnaires de données, avec des règles de gouvernance, des standards de données et des normes de sécurité. Tous les acteurs ont à gagner avec cette mutualisation : les banques, les entreprises mais aussi les régulateurs qui disposeront d’une vision plus globale des données et pourront lutter plus efficacement contre le blanchiment d’argent et autres délits financiers », explique Romain Godard, Associé chez Strategy&, l’entité de conseil en stratégie de PwC.

Des difficultés qui ne semblent pas insurmontables selon Strategy& : les initiatives se multiplient au Moyen-Orient, à Hong-Kong, en Allemagne, et plus récemment en France, où la Société Générale a lancé en 2017 le projet « Clipeum », qui permettra aux entreprises de télécharger des documents KYC (Know Your Customer). Ce projet concernerait jusqu’à présent Allianz, Commerzbank, Banque Postale, Bpifrance, Crédit Agricole, Euler Hermes, Natixis, UniCredit et le gestionnaire d’investissement Tikehau Capital, et devrait entrer en service en 2020.

Emmanuel Mayega
A propos de l'auteur

Directeur de la rédaction et de la publication du magazine Assurance & Banque 2.0 et de ce site, Emmanuel a une connaissance accrue de l’intégration des technologies dans l’assurance, la banque et la santé. Ancien rédacteur en chef de ce magazine, il a pendant plus d'une décennie été rédacteur en chef adjoint d’Assurance & Informatique Magazine. ll est un observateur affûté du secteur. Critique, il se définit comme esprit indépendant et provocateur, s’il le faut.

Site web : http://www.assurbanque20.fr

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