Une tribune de Pierre Fruchard, Cofondateur de Coover

Trois ans après la création de Coover, courtier digital en assurances professionnelles, je constate que l’ouverture des systèmes d’informations des assureurs reste très limitée. 

L’open insurance présente pourtant des opportunités considérables pour assureurs, distributeurs et clients. 

Je milite aujourd’hui pour un mouvement rapide d’APIsation des systèmes d’informations du secteur. Cela servira Coover mais aussi tout l’écosystème, c’est ma conviction ! 

APIsation et open-insurance : de quoi parle t-on ? 

Une API est une interface permettant de connecter ensemble 2 applications et donc d’échanger des informations.

Dans le monde de l’assurance, l’APIsation permet à des acteurs tiers l’accessibilité à des données (tarifs, parcours de souscription, etc.) puis la restitution dans leurs systèmes.

L’open-insurance désigne plus largement l’ouverture des données des assureurs. Ce mouvement est notamment rendu possible par l’utilisation des API.

Un sérieux retard du secteur de l’assurance 

Contrairement au secteur bancaire qui a été obligé de s’ouvrir avec la Directive DSP2, le monde de l’assurance demeure très fermé.

Des chantiers ont été mis en place chez la plupart des courtiers grossistes et assureurs mais les projets peinent à voir le jour.

L’ouverture a débuté dans le B2C, notamment sur l’assurance santé et l’assurance emprunteur, mais pour l’assurance B2B, une API disponible et fonctionnelle reste une exception.

Il y a 3 ans, au lancement de Coover, les assureurs ou grossistes nous ont fait de belles promesses et indiqué que les webservices arrivaient. Pourtant aujourd’hui, peu d’entre eux ont une API disponible. Pire, certains projets ont même été abandonnés.

Faute d’API, des solutions alternatives tenant plus du bricolage (widgets, fichiers Excel, iframes, signature électronique interne, etc.) sont utilisées. Cependant, elles sont imparfaites et ne permettent de résoudre que l’étape de tarification.

Côté Insurtech, c’est une approche totalement différente puisque les API sont systématiquement utilisées en interne et accessibles aux tiers. Et ceci tant en France (Seyna, Luko, +Simple, etc..) qu’à l’international (Lemonade, Zhong An etc.). On a donc un système à 2 vitesses avec des Insurtech très agiles mais qui ne peuvent pas s’interfacer avec les acteurs traditionnels. Une exception mérite d’être soulignée : Wakam (anciennement la Parisienne Assurances) qui a su prendre le virage du digital.

De mauvaises raisons freinent l’open insurance  

Une des raisons invoquées par les assureurs pour justifier l’absence d’API : la méfiance et la volonté de garder le contrôle sur leurs offres. Comment renouer la confiance entre assureurs et assurés sans la transparence que ces derniers recherchent ?

Les autres arguments révèlent malheureusement une vision court-termiste : coût financier, résistance interne au changement, barrières techniques, sécurité informatique et nécessité de refonte totale du système d’information pour l’APIser.

L’APIsation représente certes un effort mais la bascule vers des infrastructures plus modernes ne peut être que bénéfique.

Pourquoi l’APIsation de l’assurance sera vertueuse pour tous

Pour les utilisateurs

L’ouverture des données joue en faveur de la transparence et favorise la comparaison, ce qui est de plus en plus recherché par ces derniers. La personnalisation des offres permettra l’accès à de meilleurs tarifs. De plus, l’expérience utilisateur est améliorée puisque tous les actes (paiement, avenant etc..) pourront être effectués sur la même plateforme. Enfin l’ajout de nouvelles briques en API permettra d’ajouter une dimension service à l’offre.

Pour les distributeurs

L’intégration et la construction de nouvelles offres sera facilitée et moins coûteuse. La tarification et la souscription en API seront accélérées par conséquent les ressources humaines et financières dégagées permettront de fournir un meilleur service. De plus, les risques d’erreur et de défaut de conseil seront moindres.

Aujourd’hui, la distribution digitale n’est possible que pour les acteurs disposant d’une force de frappe importante, en mesure de négocier directement des délégations ou des contrats sur-mesure auprès des assureurs.

Désormais, des distributeurs d’assurance traditionnels (les agents généraux par exemple) auront également la possibilité d’utiliser le web et le marketing digital pour acquérir des clients et commercialiser leurs offres.

Enfin, des acteurs non spécialisés dans l’assurance pourront également proposer plus facilement des offres dans leurs interfaces.

Pour les assureurs

Les données récupérées pourront être utilisées pour construire des offres adaptées aux enjeux actuels (cyber, changement climatique, vieillissement de la population).

Avec l’open insurance, de nombreuses technologies peuvent s’intégrer sans être développées par les assureurs.

Les mises à jour des contrats (tarifs, garanties, etc.) n’auront plus besoin d’être transmises à toutes les parties prenantes.

Enfin, l’APIsation qui fluidifie les échanges entre les parties prenantes permet de mieux respecter les obligations de conformité.

Conclusion

A l’heure de l’omnipotence des GAFAM et alors que Tesla vient d’annoncer le lancement de son offre d’assurance automobile, il est urgent pour préserver notre souveraineté de ne pas laisser de nouveaux trains passer. Et celui de l’open insurance en est un.

L’APIsation et l’open insurance sont inéluctables, alors pourquoi traîner ?

Emmanuel Mayega
A propos de l'auteur

Directeur de la rédaction et de la publication du magazine Assurance & Banque 2.0 et de ce site, Emmanuel a une connaissance accrue de l’intégration des technologies dans l’assurance, la banque et la santé. Ancien rédacteur en chef de ce magazine, il a pendant plus d'une décennie été rédacteur en chef adjoint d’Assurance & Informatique Magazine. ll est un observateur affûté du secteur. Critique, il se définit comme esprit indépendant et provocateur, s’il le faut.

Site web : http://www.assurbanque20.fr

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