Ils étaient tous là. A se féliciter. Mieux, à se congratuler. Même Giogio, le fils maudit des années Aznavour (pardon pour les générations Y et Z), était de la partie, les cadeaux plein les bras. Normal, pour une fois, la place avait réussi à conduire, enfin, un grand projet en commun. Non pas de réalisation d’une grande usine digitale communautaire, mais de rédaction d’un livre blanc sur la transformation digitale dans la profession. Autrement dit, un catalogue de bonnes intentions. Cela se fête ! Champagne, sabre, cliquetis de flûtes. Musique techno, ou plutôt digitale, Amen.
L’ambiance était donc bon enfant, les invectives rangées au jardin des réalités sur le terrain. Là où, par exemple, Edi Courtage avait mis tant de mal à émerger pour les raisons que nos aînés et moi savons, pourquoi bouder notre plaisir ? Allez, une autre rasade. C’est le temps des bonnes intentions. Pour la pratique, on verra bien, plus tard.
Car de bonnes idées, ce travaille fourmille. Il est même de bonne facture. Mais, c’est bien connu, les assureurs nous auront démontré par le passé que l’intention ne vaut pas toujours le fait. Alors, ce qui voient en votre serviteur un oiseau de mauvais augure, qu’ils jettent un œil à leur retro, et ils se rappelleront que le caveau des bonnes intentions est rempli à ras bord. Et les pertinentes propositions formulées par les brillants contributeurs de ce livre blanc ont tout l’air de projets irréalisables malgré l’optimisme béat de mon ami imaginaire. Mes raisons ? Plurielles et protéiformes.
A commencer par la définition du digital. De quoi s’agit ? Mettons-nous avant tout d’accord sur l’acception de ce concept et de ses attendus pour la profession. Ainsi, nous pourrons avancer dans le bons sens, au bon rythme, poussés/freinés, par un top management qui pêche encore par son inculture en la matière hormis quelques exceptions. Je vous prie de me croire sur parole, beaucoup voient encore au digital le prolongement du « fameux Internet français », à savoir le Minitel, pour reprendre l’expression d’un grand tabloïd américain. Moqueur ? Juste un tantinet réaliste.
L’autre raison réside dans le modèle de travail qui fonctionne le mieux en matière de digital : esprit start-up, méthode Agile. « Nous savons faire », me direz-vous. Mais votre lourdeur et votre manque de réactivité pénalisent parfois ces jeunes pousses volantes. Question de culture, je vous le dis, cher ami imaginaire. Là où vous prenez votre temps à développer pendant des mois voire des années, la Start-up a déjà publié ses livrables et attend de conduire la recette avec vos équipes. (Décou)rageant.
Une autre raison ? Vous l’aurez voulu, cher ami. Vos idées se ressemblent toutes et les uns copient les autres. Du coup, chacun se réfugie dans son Lab qui n’a de Lab que le nom. Innove à son rythme, l’œil rivé aux réalisations du voisin. Comment dans ces conditions fructifier les 30 domaines d’innovation prioritaires (DIP) de ce livre blanc ? Souhaitons de la chance à InsurTech, pour qu’il ne devienne pas un « machin », comme aurait dit l’Homme de l’Appel du 18 juin.
Cher ami, ne m’opposez pas l’application e-Constat pour me prouver votre capacité de travailler ensemble. Trop léger et inachevé. En revanche, si son succès pouvait inspirer la place, ce serait une belle façon de transformer l’essai.
Voyez-vous, cher ami optimiste béat, mon pessimisme tient à l’amour que j’ai pour vous. Je vous veux entreprenant. Ce qui galvaniserait le marché. Et m’inciterait à de meilleurs articles.
Soyez optimiste. Dans l’action. Nous y gagnerons. Tous.
