Occuper le terrain. Il ne se passe plus un seul jour sans une mise en avant d’une initiative liée au segment naissant et tumultueux des moyens de paiement. Si les acteurs traditionnels ne savent pas réellement sur quel pied danser, les nouveaux entrants affichent une fougue propre à toute jeunesse. Quant au client, il y perd ses … moyens.

Récemment, un grand distributeur défrayait la chronique en annonçant son aspiration à accepter les Bitcoins dans ses magasins physiques et ses e-stores. Les moins avertis ont certainement continué la lecture de leur journal sans mesurer l’impact d’une telle annonce. Et ceux des mieux avertis, qui sont contre ce nouveau support de paiement, se sont certainement posé de multiples questions et notamment celles relatives à l’introduction d’une telle monnaie derrière laquelle se cacheraient beaucoup d’acteurs mal intentionnés. Intox ou info avancées par les intervenants traditionnels en vue de garder la main sur un moyen de paiement, en l’occurrence le Bitcoin, qui excite plus d’un particulier ? Difficile à dire tant la nouveauté et le manque de recul interdisent des pronostics. Quoi qu’il en soit, le sujet est, pour le moins préoccupant, si l’on s’en tient aux réactions de l’autorité de régulation de la profession, l’ACPR. Dans un communiqué de presse remontant à janvier dernier, cet organisme a décidé de tirer la sonnette d’alarme face au développement de cette monnaie et tous les moyens de paiement virtuels. Il faut dire que face à la recrudescence des actes de fraudes, criminels, de blanchiment et de financement du terrorisme enregistrés de l’autre côté de l’Atlantique, il est nécessaire de poser des règles nouvelles de bonne conduite et, surtout, lever avant tout l’anonymat qui caractérise les transactions associées. « … les éléments recueillis en France conduisent l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à préciser la qualification des opérations réalisées à l’aide de Bitcoins au regard du droit monétaire et financier. », a indiqué l’ACPR. Elle a considéré que « dans le cadre d’une opération d’achat/vente de Bitcoins contre une monnaie ayant cours légal, l’activité d’intermédiation consistant à recevoir des fonds de l’acheteur de Bitcoins pour les transférer au vendeur relève de la fourniture de services de paiement. Exercer cette activité à titre habituel en France implique de disposer d’un agrément de prestataire de services de paiement délivré par l’ACPR. » Une position qui vient compléter les analyses de la Banque de France et de l’Autorité bancaire européenne (ABE), lesquelles ont récemment dévoilé des positions publiques sur les risques des Bitcoins.

On le sent bien, il se trame comme quelque chose de nouveau au pays des moyens de paiement, un pays où les banques ont perdu la première bataille, pour cause d’attentisme et de pro-activité pour le moins inexistante. Sur fond de tactique de la terre brûlée, les uns et les autres avancent leurs jetons, l’objectif étant de damer le pion à la concurrence, très vite, le sablier jouant ici un rôle prépondérant. Si les grands de la banque française ont dégainé un peu tardivement avec PayLib, PayPal se sent menacé et doit, en tout cas conforter son assise. C’est dans ce contexte de bataille (non)rangée que Facebook arrive sur le terrain des moyens de paiement. Que pourra-t-il proposer. Il a certes les moyens de sa stratégie. Pour autant, y réussir ne se décrète pas. Il faut être au fait de ce métier à part entière. Une question pour nous, Français : les banques de l’Hexagone ont-elle déjà raté le coche de ces nouveaux moyens de paiement comme un grand de la photo argentique avait loupé celui du numérique ? Le risque est grand. Et mérite mieux qu’une gesticulation. Rappelons-nous, faute d’avoir imaginé un avenir radieux au télétexte (Minitel), la France a mal négocié le tournant de ce que l’on a appelé les Autoroutes de l’information.

Emmanuel Mayega
Rédacteur en chef

Emmanuel Mayega
A propos de l'auteur

Directeur de la rédaction et de la publication du magazine Assurance & Banque 2.0 et de ce site, Emmanuel a une connaissance accrue de l’intégration des technologies dans l’assurance, la banque et la santé. Ancien rédacteur en chef de ce magazine, il a pendant plus d'une décennie été rédacteur en chef adjoint d’Assurance & Informatique Magazine. ll est un observateur affûté du secteur. Critique, il se définit comme esprit indépendant et provocateur, s’il le faut.

Site web : http://www.assurbanque20.fr

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