L’histoire est parfois faite de paradoxes. Celle du sort de l’agence, un temps malmenée par l’hérésie de l’Internet à tout va et l’idéologie du tout technologique est, à ce titre, révélatrice. Remplacée par les espaces libre-service du fait de l’automatisation des processus de front-office bancaires, tout particulièrement, elle revient en force dans le cadre d’une nécessaire stratégie multicanale, servant même de support catalyseur à la montée en puissance de nouveaux usages du Web. Éclairage.

Elle était annoncée morte prochainement, l’agence bancaire canal historique. Celles de nos grands parents. Un conseiller, un poste de travail à interface alphanumérique, des sièges pour… patienter, comme de véritables patients attendant chacun son tour chez le généraliste. Quelques vieux magazines « pipole » comme on dit de ce coté-ci de la Manche, torturés par l’usage, finissent par compléter le tableau. Et asseoir la similitude. Oui ! Ces agences canal historique ressemblaient, à s’y méprendre, à des espaces médicaux, avec, en prime, le traitement parfois douloureux pour certains qui avaient le mauvais toupet d’être dans le rouge. Couleur contagieuse et donc colère du conseiller garanti.

Plusieurs facteurs vont faire tomber cette figure historique de l’agence : la crise, l’évolution technologique, la concurrence et la nécessité de maîtriser les coûts. Voilà le client privé de conseiller, ce dernier étant obligé de se recentrer sur des tâches à forte valeur ajoutée, comme on dit, dans le jargon opérationnel. Vive les automates. Le client est prié d’effectuer une bonne partie des tâches jusque-là prise en main par l’agent bancaire de moins en moins visible. Paradoxalement, les charges bancaires ne cessent d’augmenter. Témoin les associations de consommateurs se livrent alors à de savants calculs montrant et démontrant comment agios, frais de virements et autres coûts cachés pèsent sur le client. Que fait-il ? Il est tenté d’aller voir ailleurs. D’autant plus facile que le conseiller a symboliquement déserté l’agence. Panique. Pour être plus percutante, la banque se rend compte qu’elle doit réintroduire l’humain au cœur de l’agence, dans le cadre d’un nouveau parcours bancaire. Normal. Un contact chaleureux rassure. Et permet de mieux connaître le client, lui proposer de nouvelles offres dans le cadre d’une stratégie de vente transversale. De l’autre coté de la Manche, l’on parle de Cross-canal. Thème qui reprend de la couleur dans le renouveau de l’agence.

Remis au goût du jour, cet espace, toujours prêt à reprendre du service, ne boude pas son plaisir. La preuve, il accepte même ceux qui ont failli signer son arrêt de mort, en l’occurrence la machine et le conseiller. Et cohabite avec eux. Tablettes, vastes écrans tactiles vous assistent en attendant d’échanger avec l’agent bancaire. Méfiez-vous, cet arsenal vous suit de près, permettant de préparer en amont votre entretien avec le banquier. Il vous connaît sur le bout des doigts. Grace aux technologies du Big data. Et vous propose un nouveau PEL pour votre nouveau-né, par exemple.

Chez les assureurs, la relation avec les agents peinent à trouver une intelligence radieuse. Les premiers doivent réduire leurs coûts tandis que les seconds veulent revaloriser leurs commissions. Visées différentes pour cause commune : la couverture de risques. A la différence des agences bancaires, celles d’assurances n’ont pas réellement été remises en cause, du fait de leur rapport fondamental au client. On respire. La nécessité de mieux cerner les attentes du marché pousse les assureurs à les légitimer davantage. Henri de Castries, patron d’AXA, n’a pas manqué de leur rendre hommage lors de son entretien avec les journalistes spécialistes de l’assurance (Anja). Mieux, ces espaces de proximité reçoivent des bénédictions nouvelles du terrain. Sous la forme de lancements ou de maintien d’espace locaux, mutualistes ou liés à des acteurs de la protection sociale. Tous ces points de vente et/ou de conseil ont la particularité d’être désormais le reflet de la stratégie multicanale de leurs initiateurs. Beaucoup avaient tué l’agence canal historique, elle est revenue au trot.

Emmanuel Mayega
Rédacteur en chef

Amae Martin
A propos de l'auteur

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