Opportunité pour beaucoup, le digital et surtout ses retombées, sont de plus en plus exploités comme arguments poujado-corporatistes par quelque métier.   Les taxis, mais pas seulement eux, en appellent au devoir d’ingérence pour sauver la voiture jaune.

Le nom Uber est peut-être récent mais le modèle sous-jacent est loin d’être nouveau. Dans la presse, par exemple, il existe depuis au moins 15 ans. Souvenez-vous, au sortir de l’an 2000, la profession de journaliste était menacée de disparition, sous les coups de boutoirs  répétés des bloggeurs, enfants illégitimes et incestueux du net avec la vindicte populaire qui voulait en finir avec une caste irrespectueuse. Plus d’une décennie après, la sélection naturelle a fait son job. Darwin ? Plutôt Wiener et son univers cybernétique. Quoi qu’il en soit, de bons bloggeurs ont trouvé leur légitimité rédactionnelle sur le terrain. Les piètres ont rendu l’âme. En pionnière, la presse a ainsi payé et continue de le faire, son écot à la rampante mais inéluctable ubérisation de notre société.

D’autres secteurs d’activité ont été et sont confrontés à cette lame de fond qui bouleverse et refaçonne l’économie mondiale. Les courtiers d’assurance et, dans une moindre mesure, les agents généraux, ont vu arriver les comparateurs de tarifs et doivent prendre en compte de nouveaux entrants. Les banques connaissent également cet Uber-là. Face à ce rouleau compresseur, l’enjeu est clair : s’adapter, anticiper ou dépérir. Et le défi ne l’est pas moins : trouver rapidement une solution. Une arche de Noe face au déluge, que dis-je,  à la déferlante que constitue l’ubérisation ? Le ministre de l’Economie l’a compris, qui propose fort opportunément l’idée d’une loi, bien nommée, en l’occurrence #noé ou Nouvelles opportunités économiques. Il s’agit d’aider chacun à trouver sa place dans le nouvel espace digital qui se dessine sous nos yeux.

Si elle tarde à sortir des cartons par rapport au calendrier prévu au moment de son annonce, cette loi Macron 2 est frappée du sceau du bon sens dans un pays où l’héritage poujadiste empêche parfois d’avancer. Regardez les taxis. Invités à prendre le chemin de l’arche de… noé, ils semblent s’arcbouter  à une seule idée : mourir en panne plutôt que de lâcher du lest. Bien entendu, ils vous diront que le débat est plus complexe qu’il n’y paraît. Fadaises.

Les journalistes peuvent le clamer haut et fort, ils ont vécu « l’ubérisation » dans la presse ; et la seule alternative plausible était pour nous, de nous adapter ou de disparaître. Je veux bien comprendre la colère et le désespoir des taxis, mais la machinerie est en marche. L’on ne saurait accepter les bienfaits du web et ne point comprendre ses travers, même s’il faut les combattre intelligemment. Il serait impensable de voir les courtiers battre le pavé et le périphérique parisien pour protester contre la montée en puissance des comparateurs. Pire, Nul ne comprendrait dans une économie mondialisée que le modeste commerçant chinois, par exemple, qui détruit à petit feu et à son corps défendant, les petits commerçants africains en bradant les prix des marchandises dont les revenus leur permettront de s’acquitter de l’écolage de leurs enfants, soit dépecé à la machette. Ces pays ont ouvert leur portes à une Chine qui s’est éveillée ; à eux de trouver la solution du « vivre économiquement ensemble ». Je sais, parfois, les armes ne sont pas égales de part et d’autre et l’Etat peine à jouer son rôle de gendarme. Alors voulez-vous réveiller Vladimir Illich ? Dans ce cas, le temps que votre dossier brave les tiroirs de la bureaucratie, votre résistance à Uber sera déjà balayée.

Croyez-moi, pour avoir fait les « deux écoles » celle d’avant et de pendant Uber, il vaut mieux négocier en marchant. Car sans être pessimiste, l’arche de noé numérique ne vous aidera pas face au déluge de l’ubérisation.  A tout le moins, elle vous permettra de vous repositionner sans forcément vous mouiller.

Emmanuel Mayega
A propos de l'auteur

Directeur de la rédaction et de la publication du magazine Assurance & Banque 2.0 et de ce site, Emmanuel a une connaissance accrue de l’intégration des technologies dans l’assurance, la banque et la santé. Ancien rédacteur en chef de ce magazine, il a pendant plus d'une décennie été rédacteur en chef adjoint d’Assurance & Informatique Magazine. ll est un observateur affûté du secteur. Critique, il se définit comme esprit indépendant et provocateur, s’il le faut.

Site web : http://www.assurbanque20.fr

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