En pleine guerre du digital, constats, observations et autres déclarations intempestives s’entrechoquent.  Les peurs des uns alimentent les phantasmes des autres.

L’une des affirmations du moment ? L’assurance aurait perdu la bataille du véhicule connecté. Rien que cela ! Avant tout, nul ne peut assurer, sans jeu de mots, que les porteurs de risques aient eu, ne serait-ce que, la volonté de livrer cette bataille dans une guerre digitale qui les pousse à innover et à sortir de leur pré-carré.  Jacques Richier chez Allianz ? Je ne l’ai jamais entendu aller dans ce sens qui consisterait à se hisser à la tête d’un consortium prenant le contrôle d’un projet de véhicule connecté promis à coups de fantasmes certes de plus en plus plausibles. Henri de Castries ? Il répète qu’en dehors du digital point d’avenir pour l’assurance.  Mais je ne l’ai jamais oui clamer son envie de contrôler l’univers de l’auto de demain comme voudraient le faire les GAFA. Thierry Derez, le patron de Covea, ne roule pas non plus à toute allure pour cette merveille annoncée tout en mettant le doigt sur ses limites. Pour autant, tous réfléchissent sur le modèle assurantiel le mieux adaptée au véhicule de demain.  Pourquoi donc marteler que l’assurance a perdu une bataille qu’elle n’a jamais voulu ou pensé livrer ?

Au-delà de la pression marketing, cette idée est alimentée par le comportement actuel des entreprises vis-à-vis du digital.  La collaboration  entre les acteurs rendrait plus intelligent et plus efficace. L’union fait la force, un adage qui reprend sa splendeur ici, face à l’ogre GAFA. Donnant aux assureurs l’illusion d’avoir raté la possibilité de se hisser à la tête de consortiums automobiles truffés d’équipementiers. Certes la gestion de risques est encore présente dans un tel modèle ; en revanche, celui-ci cesse d’être le cœur de métier de l’assurance : la gestion de l’aléa. A bien y regarder, derrière cette idée se confine celle d’un monde de l’assurance qui se transforme radicalement, abandonnant jusqu’à son âme. Heureusement, ce n’est pas (encore ?) le cas. On respire. Vraiment ?

Pas si sûr. Car ceux-là même qui constatent/prétendent que l’assurance a perdu la bataille de l’auto connectée la poussent désormais dans les bras de la maison intelligente. Elle doit s’y prendre aujourd’hui, en tenant compte des erreurs d’hier. Le balbutiement observé ici et là aurait-il donc pour finalité de transformer les acteurs du secteur en spécialistes de la maison connectée ? Certains ont démarré dans la téléassistance. D’autres proposent de nouveaux services de plus en plus ambitieux au sein de cette maison intelligente. De là à imaginer l’assurance à la tête d’un consortium de construction de maisons à la façon de Bouygues ou d’un autre, il est un pas que beaucoup d’assureurs n’entendent pas franchir, s’agissant d’un métier à part entière dont il faut respecter les potentiels et  les difficultés.

Certes l’épée de Damoclès des GAFA met toujours sous pression les entreprises des secteurs de services. De là à ignorer son métier de base pour se lancer dans un autre déjà maîtrisé par ses acteurs historiques constitue un risque que seuls les inconscients pourraient prendre. A mon humble avis, le conservatisme tant rappelé des porteurs de risques devrait les sauver de telles utopies qui pourtant mesurer, peuvent garder leur force transformatrice.

Emmanuel Mayega
A propos de l'auteur

Directeur de la rédaction et de la publication du magazine Assurance & Banque 2.0 et de ce site, Emmanuel a une connaissance accrue de l’intégration des technologies dans l’assurance, la banque et la santé. Ancien rédacteur en chef de ce magazine, il a pendant plus d'une décennie été rédacteur en chef adjoint d’Assurance & Informatique Magazine. ll est un observateur affûté du secteur. Critique, il se définit comme esprit indépendant et provocateur, s’il le faut.

Site web : http://www.assurbanque20.fr

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