Disruptif est le concept qui tient le haut du pavé depuis peu, pour parler d’innovations introduisant une véritable rupture dans les pratiques sur le terrain. Jusqu’où vont les acteurs de l’assurance et de la banque dans cette démarche qui nécessite beaucoup de courage et de sang-froid ?

Disruptive. Se dit d’une innovation qui crée une rupture dans les pratiques. A l’instar des gourous du marketing et autres observateurs de la banque et l’assurance, les professionnels de ces deux métiers répètent à cor et à cri qu’ils sont désormais engagés dans l’innovation disruptive. Pour autant, si les composants sources de cette disruption permettent de tourner le dos aux pratiques surannées, les assurances et les banques peinent à aller jusqu’au bout du potentiel généré par l’innovation disruptive.

Des exemples ? Facile à en trouver. Comme l’explique volontiers et en substance Olivier Arroua, fondateur de Selenis Consulting, les assureurs déploient des apps pour déclarer les sinistres, proposent du tchat, bref une batterie d’outils qui permettent de rompre avec les pratiques d’indemnisation d’avant. Pourtant, ils conservent leurs usines de gestion de sinistres avec tout ce que cela comporte de lourdeur administrative. A l’arrivée des délais d’indemnisation toujours aussi longs, des clients mécontents. Moralité, pour profiter pleinement d’une innovation disruptive, il est important de revisiter tout le processus dans lequel elle s’intègre. Sinon ce serait un coup d’épée dans l’eau.

Cette observation vaut également pour le monde bancaire qui dématérialise les processus sans pour autant les rendre toujours efficaces sur le terrain. Ici également, un seul exemple : le changement d’un mot de passe de compte bancaire. Il peut démarrer par téléphone ou via Internet. Mais finit très souvent par courrier. Pour des raisons de sécurité, vous dira-t-on. Le temps gagné au moment de la demande de renouvellement est ainsi perdu dans les méandres de l’acheminement postal, sans garantie d’une sécurité parfaite sachant que certains plis postaux sont parfois piratés. A-t-on tenté d’introduire ici les fameux mécanismes de 3D Secure certes fastidieux mais qui fluidifient drastiquement le processus dans le cas présent ? Toutes les banques ne sont pas ici logées à la même enseigne mais au moins, l’une des plus grandes est dans ce cas. Nous le savons pour avoir expérimenté douloureusement la génération d’un nouveau mot de passe après avoir perdu/oublié l’ancien. Il faut compter, en moyenne trois jours ouvrés. Moralité, le moindre grain de sable met à nu les limites d’une innovation disruptive sur le papier mais cesse de l’être quand elle est intégrée sans aller au bout de sa logique. Dans le cas de la gestion de sinistre, aller jusqu’au bout signifie la fin des usines de gestion des dommages. Les gestionnaires, généralement des juristes, doivent être remplacés par des commerciaux qui parlent un nouveau langage, celui de la relation client. Seulement, et à partir de là seulement, on pourra parler de démarche disruptive. Car les approches semi-disruptives, passez-moi l’expression, ont pour mérite de formaliser le client. Un peu de courage et le renouvellement d’un mot de passe ne relèvera plus d’une stratégie digne de celle de lancement d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE). Et une déclaration de sinistre cessera d’être douloureuse. Un premier pas de la réconciliation des assurance et banque avec leurs clients ? Assurément.

Emmanuel Mayega
A propos de l'auteur

Directeur de la rédaction et de la publication du magazine Assurance & Banque 2.0 et de ce site, Emmanuel a une connaissance accrue de l’intégration des technologies dans l’assurance, la banque et la santé. Ancien rédacteur en chef de ce magazine, il a pendant plus d'une décennie été rédacteur en chef adjoint d’Assurance & Informatique Magazine. ll est un observateur affûté du secteur. Critique, il se définit comme esprit indépendant et provocateur, s’il le faut.

Site web : http://www.assurbanque20.fr

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