Après avoir reculé devant plus d’une résistance populaire, le gouvernement Ayrault pourra-t-il aller jusqu’au bout de la réforme fiscale annoncée ? Les attentes sont importantes. Tout comme le risque de déception.
Inutile de revenir ici sur la liste de rétropédalages consentis par le gouvernement en place. Pour peu, on le taxerait de spécialiste de la danse russe. Un pied en avant, deux en arrière, voire plusieurs. À se demander une nouvelle fois si les décisions prises font, au préalable, l’objet d’analyses multicritères approfondies. L’interrogation est légitime tant les voltes-faces se sont multipliées, les abandons répétées. À ce rythme, pourquoi faire confiance au gouvernement dans sa capacité à mener jusqu’au bout une réforme de la fiscalité pour le moins critique ? Irrationalité de la Décision, quand tu nous tiens !
Certes, le pays est asphyxié par la pression fiscale qui le paralyse au fil des mois. Mais comment conduire jusqu’au bout un projet aussi risqué quand on sait que, dès janvier prochain, la TVA devrait alourdir davantage le poids fiscal du consommateur français ? La marge de manœuvre est d’autant plus serrée pour le gouvernement Ayrault que bon nombre d’opposants s’apprêtent à saisir l’occasion au vol pour montrer les muscles et grincer des dents. Notamment, l’autre Homme fort du Parti de Gauche entend en profiter pour en mettre davantage plein la gueule à ses frères ennemis. La Droite traditionnelle devrait sans aucun doute en profiter pour se refaire une petite santé en attendant un prochain épisode fratricide. À l’arrivée, la pause fiscale appelée de tous leurs vœux par les Français risquerait de se transformer, au mieux, en foire d’empoigne, et au pire prendre le chemin du débat sur la fameuse identité nationale, vous vous souvenez ? Ce serait une belle occasion manquée.
Dommage car il s’agit d’une aubaine pour toute la Nation de réfléchir enfin sur l’avenir/devenir de notre fiscalité. Tout en dépend : notre rythme de consommation et d’épargne. Tout comme la capacité des uns et des autres à investir, y compris les entreprises de toutes tailles. Clairement, cette fois- ci, la volte-face est interdite. Il faut aller au bout, après, bien entendu, concertation. Fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu pour en faire un prélèvement unique à la source ? Caractère progressif de ce dernier ? Il faudra peser le pour et le contre afin d’éviter le fameux pschitt à cet espoir, comme aurait dit l’Autre Corrézien.
Pour autant, aura-t-on résolu dans l’immédiat le problème du trop d’impôts si tenté que cela marche ? Pas si sûr. Car le gouvernement a vite fait d’indiquer que cette remise à plat serait conduite à prélèvements obligatoires constants. De quoi rendre dubitatifs les Français qui, selon un sondage BVA pour iTélé, plébiscitent ce projet mais estiment, à plus de 7 sur dix, qu’il n’y changera rien. François Hollande en est-il conscient quand il précise que cette réforme durera le temps du quinquennat ? Fort probablement. Histoire de lisser le risque dans le temps. Et de nous faire passer la pilule. Ce serait un calcul dangereux tant la grogne embrase peu à peu tout le pays. Attention aux bonnets de toutes les couleurs.
Emmanuel Mayega
Rédacteur en chef
