Somme toute, l’annonce peut paraître banale, celle d’une entrée fracassante d’Orange dans le capital de Groupama Banque. Après tout, l’opérateur est habitué à ce genre de transaction. A bien y regarder, elle remet en cause le modèle de l’assurbanque français longtemps rêvé par plus d’un assureur et réalisé par une poignée d’acteurs parmi eux soucieux d’apporter une réponse à l’offensive des banques dans le monde de l’assurance.
Ils ont longtemps taillé des croupières aux assureurs sur leurs marchés traditionnels. Impunément. Les bancassureurs, puisque c’est deux qu’il s’agit, ont fini par pousser les porteurs de risques à réagir. Ainsi est né le modèle de l’assurbanque français. Dans la douleur. Comme toute naissance, me direz-vous. Ont ainsi été mis bas quelques acteurs chargés de concurrencer, sans l’avouer franchement, les banques traditionnelles sur leurs métiers de base. Rien que cela ! AXA Banque est parti au combat, allant même jusqu’à tutoyer désormais Hello Bank ! sur le terrain de la banque digitale avec Soon. Allianz Banque est également entré dans ce bal concurrentiel, sans tambour ni trompette. Quant à la banque de la Macif, elle s’est cantonnée à son pré-carré mutualiste pendant que Groupama Banque affichait une franche volonté de s’imposer.
Les années ont passé et là où la bancassurance a poursuivi avec succès ses offensives sur le terrain de l’assurance et se veut de plus en plus conquérante, l’assurbanque fait du sur-place ; et pratique la politique de l’autruche. A force de plonger son nez dans le sable, elle finit par mordre la poussière. Certes, l’un d’eux semble tirer mieux son épingle du jeu (suivez mon regard) ; mais les autres patinent. Pour preuve unique s’il besoin était, ils affichent une poussée d’urticaire quand on les interroge sur les chiffres réels inhérents à leur activité bancaire. Tabou. Un tabou qui finit par être levé sur le théâtre des opérations.
Ces jours-ci, on apprend ainsi avec tristesse/espoir que Groupama et Orange entrent en négociation pour créer Orange Banque. Tristesse car une entrée aussi tonitruante de l’opérateur historique dans le capital de Groupama Banque finit par édulcorer la couleur de cette activité qui devient … Orange, y compris dans son nom. Que resterait-il de Groupama dans cette ligne métier ? L’assureur vert pourrait-il se targuer d’être encore un assurbanquier ? A vous d’y répondre. Espoir si l’on considère qu’une coopération entre une assurbanque et d’autres acteurs du marché pourrait ouvrir la voie à un modèle enfin pérenne de l’assurbanque. Manifestement, ce dernier cas semble exclu au vu du montant du chèque que propose l’opérateur télécom historique. Un montant qui annoncerait, de fait, le chant du cygne du modèle d’assurbanque à la française.
Assurément inefficace au vu des résultats économiques, cette façon de « faire » la banque a pourtant du sens. Sur le papier. A la tête de portefeuilles de données d’assurés imposants, les porteurs de risques ont pensé qu’il suffisait de proposer à ces clients des comptes bancaires ou du crédit, pour que ça marche. Sans prendre le contre-pied des offres des banques traditionnelles, ils n’ont pas pu/su séduire comme le font les bancassureurs grâce à une stratégie contre-offensive bien pensée et hardie. Ceux des assurbanquiers qui résisteront encore sur le terrain devront mettre à profit les erreurs et réussites actuelles de leurs alter ego mourant en vue de tenter de résister. Ce n’est pas gagné à l’heure du digital où les prédateurs surgissent de partout.
