Casque bien hissé aux oreilles, l’air totalement absent. On en profite pour la dire renfermée sur elle-même. Autistique cette génération Y ? L’étude du Cigref sur leur comportement dans le management de projets informatiques brise plus d’un cliché. Spécialistes es-stéréotypes, ne pas s’abstenir ! Lisez.

On a tout entendu sur la fameuse génération Y. Une véritable « tribu ». Avec ses codes, ses interdits et surtout ses pratiques : consommation addictive de nouvelles technologies, auto-enfermement qui se rebouche sur soi-même. Lucien Sfez parle, dans ce cas, « de boucle autistique » qui aboutit au tautisme*. Ne cherchez pas loin, je vous le livre en mille : il s’agit d’un isolement conduisant à un autre monde cloisonné celui-là, du fait d’un usage effréné des outils de la communication… qui nous empêchent de communiquer. Habituée des Facebook et autres Twitter, adepte inconditionnelle des Smartphones et de la Xbox, de préférence en ligne, cette génération-là serait donc particulière, iconoclaste même. Corollaire de ce postulat bien partagé, la nécessité de scruter sa singularité à l’œuvre au sein de l’entreprise.

Pour en savoir réellement sur le comportement de cette génération Internet dont les bornes supérieures flirtent avec les 35 ans, le Cigref a conduit une étude sur sa relation aux pratiques de management des projets de systèmes d’information. Menée sous la houlette de Chantal Morley et Marie Bia-Figueiredo, respectivement professeur et maître de conférences à l’Institut Telecom & Management Sud Paris (Evry), cette enquête porte sur les pratiques de cette “tribu” qui doit s’intégrer dans un univers professionnel structurant et adossé à une culture ayant pour maîtres-mots souplesse, échange informel et collaboratif. Comment se comporte-elles dans ce théâtre de la vie active qui n’a rien, a priori, à voir avec son caractère spécifique teinté d’impatience, d’ambitions et d’indépendance ?

Pour mener leur étude, les auteures ont eu recours à la théorie, bien connue, de la structuration. Et son triptyque dimensionnel (signification/légitimation/domination). Sur la base de trois études de cas portant sur autant de membres de la génération Y, elles ont abouti à des conclusions pour le moins surprenantes car elles font voler en éclats les stéréotypes collés à ces jeunes. Jugez-en plutôt : Les différences entre générations X (celle de l’après-guerre, ndlr) et Y ne sont pas aussi tranchées. Si la seconde exprime des besoins fort prononcés en matière de communication humaine, sa plongée en apnée dans l’univers de la technologie lui a permis de structurer des compétences exploitables dans le monde professionnel. Concrètement, les différents chefs de projets passés au laser mettent à contribution certains principes des méthodes agiles sans pour autant les mentionner (interaction en vis-à-vis, considération de leur rôle de chef de projet comme modèle afin de susciter l’adhésion des collaborateurs au lieu d’un leadership fondé sur les responsabilités avec en toile de fond le résultat sous la forme d’une récompense/punition).

Sur le terrain, la génération Y s’adapte donc normalement à un monde du travail qui n’est pas originellement le sien. Mieux, elle y importe certaines de ses pratiques, au grand bénéfice de l’entreprise. A une condition : que celle-ci sache s’ouvrir à ce sang neuf dans un contexte de transformation de l’entreprise en mal de sursaut. Un seul exemple : la mouvance du Bring your Own device (BYOD), portée principalement par les jeunes, peut apporter beaucoup à l’entreprise en opportunité (réactivité et souplesse). Tout comme en risques (sécurité et confidentialité). Normal, les deux vont de pair.

Emmanuel Mayega
Rédacteur en chef

*Lucien Sfez, in « Critique de la communication, 1988, Editions du Seuil »

Amae Martin
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