On allait voir ce qu’on allait voir grâce à la loi Lagarde sur l’assurance emprunteur, nous avait-on promis. En vigueur depuis septembre 2010, qu’a-t-elle apporté au marché de la délégation d’assurance de prêt ? Les conditions de concurrence parfaite visées à l’origine de cette norme sont-elles désormais réunies ?
Las de voir les banques tailler des… croupières aux assureurs en matière d’assurance de prêt, les pouvoirs publics avaient décidé de sévir. Remettre à leur place de pourvoyeur de crédits les banques et permettre aux assureurs de jouer leur rôle de porteur de risques si tentés qu’ils soient compétitifs. Concurrence. Noble idée qui avait d’ailleurs été accueillie sur le terrain avec des applaudissements nourris. Oui, Christine Lagarde, ministre des Finances qui a légué son nom à cette disposition, a été saluée dans sa démarche. Unanimité de circonstance. Car tout le monde se doutait bien que les institutions financières ne laisseraient pas s’envoler une telle manne au terme d’un simple oukase.
A l’épreuve du terrain, l’assurance emprunteur n’a pas franchement vu son destin changer. Les faits sont là, rétifs. Quoique ! Il y a eu une nette évolution, du côté de l’offre. Matmut, Allianz, MetLife, ils sont plusieurs porteurs de risques à s’être invités sur ce terrain désormais doté d’une offre réellement plurielle. A côté des banques, les assureurs proposent des solutions alternatives, certaines puisant même dans des valeurs sûres par ces temps de crise, j’ai nommé le mutualisme. Eh ben non ! Cela ne suffit pas.
Témoin sur le terrain, les chiffres sont toujours du côté des banques. Si, en théorie, l’emprunteur peut désormais opter librement pour l’assurance de son crédit immobilier à partir des offres proposées par l’établissement prêteur ou alors une assurance individuelle voire une délégation d’assurance, la balance penche toujours du côté de l’établissement financier prêteur. Est-ce pour autant que ce dernier propose les solutions d’assurance les meilleures ? Difficile de le croire. Selon plus d’un observateur, la pression du prêteur ne baisse pas, malgré la loi Lagarde. En d’autres termes, en véritables maîtres-chanteurs, les banques pèseraient lourdement sur les décisions de leurs clients en matière de choix de leur assurance. Un peu court comme explication, serait-on tenté de dire. Car sur un marché ouvert, les consommateurs ont tout intérêt à s’informer avant de poser tout acte d’achat. Ils ne le feraient pas, si l’on en juge d’après les résultats d’enquêtes en la matière. Il paraît d’ailleurs que le manque d’information soit le premier allié objectif des banques qui doivent pourtant expliquer à l’assuré potentiel son droit le plus absolu de faire jouer la concurrence. Mais d’autres arguments pèseraient sur leur décision : parmi ceux-ci, le manque de temps pour mettre en concurrence les offres en présence et choisir l’assurance la plus adaptée à leurs attentes. Comment résoudre un tel problème ? La Loi Hamon devrait voler à leur secours. De fait, une proposition vient d’être formulée dans ce sens et permettrait de laisser à l’emprunteur un délai d’un an, à partir de la signature d’un prêt immobilier, pour choisir définitivement son assurance emprunteur.
Un tel dispositif est salué par le camp adverse et bon nombre d’associations de consommateurs. Mais, disons-le tout de go, le premier frein reste l’information du consommateur. On aura beau accorder du temps au temps, sans cette information-là, les banques feront longtemps cavalier seul au peloton de tête des performances de l’assurance emprunteur. Après tout, ils n’ont pas eu besoin d’arsenal réglementaire pour s’imposer dans bon nombre de segments du marché de l’assurance.
Emmanuel Mayega
Rédacteur en chef