Il peine à protéger les plus faibles et les moins nantis. Pourtant, beaucoup crient au scandale dès qu’une mesure semble remettre en cause ses fondements. Pourquoi un tel volontarisme pour protéger notre système de protection sociale qui ne satisfait plus grand monde ?

Le nombre de citoyens décidant de faire l’impasse sur les soins ne cesse de monter en puissance. Et pour cause, se soigner devient un luxe. Et donc réservé à une élite qui va chercher bonheur hors de ce dispositif. Paradoxal, non ? Et pour cause, le reste à charge (RAC) devient trop onéreux pour certains assurés qui, souvent, même travaillent. La philosophie de l’ANI est apparue comme une belle initiative. Mais comme toujours dans ce pays, la défense de certains corporatismes, parfois fondée, a eu gain de cause. Quels sont les réels impacts de cette réglementation sur l’assurance ? Pschitt !

Si les inerties corporatistes ont eu raison de la noble idée cachée derrière l’ANI, les avancées technologiques censées bonifier notre système de santé le fragilisent également quelque part. J’en veux pour preuve un seul argument : celui de la fin de la mutualisation, fondement historique, s’il en est, de l’assurance. Grâce à de savants calculs, les Big data et le marketing digital nous promettent la personnalisation des offres. Chacun devrait bientôt payer en fonction de sa condition (sa santé, ses moyens, son physique, je vous assure, pas encore en fonction de sa religion, Dieu merci).

Dès lors, nous voilà en plein dans l’assurance à plusieurs vitesses. Quid de ceux qui constitueront de mauvais risques, car aucun assureur, fut-il mutualiste ne saurait s’y engager, en ces heures de Solvabilité 2, où tout risque doit être provisionné. Pourront-ils se retourner vers l’Etat ? Un État qui se désengage de plus en plus pour se consacrer aux pathologies chroniques. Autant dire qu’il n’a pas le temps, mais surtout les moyens de gérer le mal à la racine, une fonction pourtant régalienne laissée aux familles d’assurance complémentaire hantées, à leur corps défendant par l’efficience, au sens américain du terme. Car disons le tout de go, ses poches des pouvoirs publics sont vides. Alors pour qui sait compter, après 10 c’est 11, n’est-ce pas. Vous me direz binaire et je vous répondrai non, nous sommes encore en base 10.

Alors, le risque de voir notre système de santé voler en éclat n’est pas loin. Il est bel et bien réel et l’américanisation version Trump toque à la porte. Comment faire ? Y réfléchir sereinement à l’heure où la moindre initiative est suspecte et taxée de collectiviste quand elle vient de gauche, capitaliste quand elle est portée par la droite ?

Heureusement, il y a une troisième voix, avec l’espoir de multiples voies.
Le Cercle Vivienne propose une approche prospective émaillée de scénarios consignés dans un ouvrage. Il pose les questions sur l’avenir de notre système de santé. Cinq scénarios sont ainsi passés au crible. Rien n’est épargné, pas même la figure la plus improbable, à savoir un système à la tête duquel trônerait un Léviathan, voire un modèle géré par le patient quand ce n’est pas le marché qui gère le risque. La volonté de contribuer au débat présidentiel est là, pas clairement avouée. Saurons-nous prendre le temps de réfléchir à froid sur les enjeux de notre système de santé que le monde nous a longtemps envié ? En ces heures de recherche de plan pour remplacer François Fillon, le temps d’atteindre la lettre S pour plan santé (au cas où cela vous aurait échappé nous en sommes encore à la B, pour Bayrou) nous aurons déjà voté. Un scénario, sixième dans ce cas, chaotique.

Emmanuel Mayega
A propos de l'auteur

Directeur de la rédaction et de la publication du magazine Assurance & Banque 2.0 et de ce site, Emmanuel a une connaissance accrue de l’intégration des technologies dans l’assurance, la banque et la santé. Ancien rédacteur en chef de ce magazine, il a pendant plus d'une décennie été rédacteur en chef adjoint d’Assurance & Informatique Magazine. ll est un observateur affûté du secteur. Critique, il se définit comme esprit indépendant et provocateur, s’il le faut.

Site web : http://www.assurbanque20.fr

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