Tout le monde, ou presque, a oublié politiquement Jacques Toubon, alias « All Good ». D’autres n’hésitent pas à l’enterrer en confortant les anglicismes dans notre parler quotidien. Pourtant, avec lui, le digital relèverait toujours du… doigt et, de ce point de vue, n’aurait eu aucune chance de faire concurrence au concept de numérique.

 

Les moins jeunes, famille à laquelle je revendique publiquement mon appartenance, se souviennent avec moi, des efforts de l’ancien ministre de la Culture, pour conserver l’intégrité de notre belle langue polluée de plus en plus par une flopée d’anglicismes. Et du débat sous-jacent. Beaucoup voient en ces innovations lexicales le caractère vivant du français. Car « une langue morte ne saurait s’enrichir au contact d’autres parlers », m’avait lancé un observateur. Toujours est-il que le débat suscité avait fait avancer les pratiques. Montrant l’exemple, bien des rédactions avaient alors banni les anglicismes de leurs écrits. En revanche, personne ne s’indignait quand quelque mot italien, voire espagnol, venait à émailler nos papiers. Au point qu’à un moment donné, lutte contre anglicisme pouvait rimer avec rejet de nos meilleurs amis, les Anglais. Allez savoir.

Quelques décennies après, le soufflet est retombé. A la faveur de la montée en puissance de la génération dite Y et du digital, ou, pour parler français, du numérique. Dans la presse comme au resto, un peu partout, le « franglais » a pignon sur rue. Dans l’assurance, Solvabilité 2 est chahuté par Solvency 2 ; que dire de l’Embedded Value dont j’aurais du mal à vous donner la signification exacte ? Voire du monde du Web ou plutôt celui de la Toile ? Il regorge d’anglicismes à vous faire perdre votre latin. Désormais, le digital a pris le pas sur le numérique. Certes, les innovations nous viennent massivement de l’autre côté de l’Atlantique. Pour autant devons-nous perdre notre belle langue en utilisant ces créations ? N’est-ce pas simpliste de passer de la racine anglo-saxonne « digit » au franglais digital ?

Pour corser davantage ce changement en profondeur, nos « Ferments » y ajoutent désormais des émoticônes et un vocabulaire adapté aux SMS. Mais, paraît-il, depuis que les opérateurs ont banalisé les offres intégrant les SMS gratuits, ils font l’effort d’écrire correctement. On respire ! On respire d’autant plus fort qu’ils sont bientôt aux portes de l’entreprise. Et devraient donc réapprendre à écrire, non pas en franglais, mais en français.

Cela dit, au rythme où s’installent les anglicismes dans notre société, est-il franchement nécessaire de leur imposer notre vocabulaire ? Le débat n’est-il pas ailleurs dans ce village planétaire où seuls la grammaire et le vocabulaire du commerce comptent désormais ? Car voyez-vous, aussi brillant serez-vous en français, si vous ne cernez pas le lexique nouveau de la génération Y, vous passerez à leur yeux pour un analphabète. Toute proportion gardée, heureusement. En fait, c’est à nous, chantres du pur français, de plonger désormais, en apnée, dans leur univers où franglais et émoticônes émaillent les conversations verbales et écrites. Sans perdre notre âme. Le français étant une langue vivante, il continuera à résister aux assauts répétés de ces nouveaux parlers. Qu’à cela ne tienne, pourvu que les affaires y gagnent. Après tout, peu importe la couleur d’un chat, pourvu qu’il attrape les souris. Un franglais qui fait signer les affaires vaut mieux que le pur français. Le digital semble plus vendeur que le numérique. Résultat …

 

EMMANUEL MAYEGA

Rédacteur en chef

Emmanuel Mayega
A propos de l'auteur

Directeur de la rédaction et de la publication du magazine Assurance & Banque 2.0 et de ce site, Emmanuel a une connaissance accrue de l’intégration des technologies dans l’assurance, la banque et la santé. Ancien rédacteur en chef de ce magazine, il a pendant plus d'une décennie été rédacteur en chef adjoint d’Assurance & Informatique Magazine. ll est un observateur affûté du secteur. Critique, il se définit comme esprit indépendant et provocateur, s’il le faut.

Site web : http://www.assurbanque20.fr

Twitter LinkedIn Google+


Newsletter

Vous n'avez pas le temps suivre l'actualité ? Découvrez nos newsletters gratuites, quotidiennes ou hebdomadaires.

Inscription Newsletter


Le Mensuel

Chaque mois, un regard éclairé et sans concession sur l'actualité de l'Assurance, de la Banque et des Services Financiers.

Découvrir le magazine