Par Emilien FRANCOISE, fondateur de Nextbanq.fr

Il n’aura échappé à personne que depuis 2008, le taux de rendement des fonds en euros diminue d’année en année avec la régularité et la précision d’une horloge suisse. En effet, avec une macro-économie mondiale engluée dans une baisse des taux directeurs, les rendements des obligations suivaient la même trajectoire. Or, malgré une plus large part accordée aux actions et à l’immobilier, les obligations constituent toujours (et de très loin) le socle des rémunérations des fonds en euros.

Maintenant que l’inflation impressionne par son ampleur et sa vitesse, il est donc légitime de se poser la question de son impact sur l’assurance vie, l’enveloppe fiscale préférée des Français. A titre d’exemple, le livret A a connu un doublement de son taux le 1er juillet 2022, passant de 1% à 2%. Après une décennie de baisse continue des taux, ce bond a de quoi surprendre !

Au point de mettre à mal les fonds en euros ? La question est sensible, car un retrait massif des fonds de la part des épargnants aurait des conséquences dramatiques sur le marché de la dette. Or, avec un livret A à 2%, la question de redistribuer une partie de son épargne sur ce livret est très opportune.

Car contrairement au Livret A dont la rémunération est fixée par le gouvernement français (en prenant en considération des formules compliquées du calcul de l’inflation) les taux des fonds en euros ne connaissent pas la même marge de manœuvre pour adapter leurs rendements. Bien au contraire !

Certes, les nouvelles obligations émises par les états ont des rendements plus élevés, mais elles ne concernent pour l’instant qu’une partie marginale des portefeuilles des gérants. Autrement dit, il faut encore se “coltiner” tous les rendements minuscules des obligations souscrites il y a encore peu de temps.

L’assurance vie est-elle capable de s’adapter rapidement ? Il s’agit d’un vrai challenge, car cette remontée des taux accélérée n’est ni plus ni moins que le déroulement du scénario catastrophe, anticipé par nos politiciens avec le passage de la loi Sapin 2 en 2017.

Oui, vous avez bien lu, le risque d’une remontée des taux et d’un afflux consécutif des retraits est tellement important qu’une loi a été votée pour s’en prémunir, en instaurant le blocage des fonds jusqu’à 6 mois… Autant de préparation de la part de la puissance publique peut laisser songeur !

Les dispositions polémiques de la loi Sapin 2 risquent-elles d’être prochainement activées ?

Si l’inflation élevée se poursuit, il est indéniable que les épargnants vont commencer à s’interroger sur l’opportunité de rester investi dans des fonds en euros. Car bien que le plafond relativement “bas” de 22 950€ du Livret A permet d’éviter une confrontation directe avec l’assurance vie et son absence de plafond, il n’empêche que symboliquement, le grand public pourra penser que les fonds en euros ne servent plus à rien. Bref, pour continuer d’exister, plus que jamais, l’heure est à la remontée des rendements !

Mais comme nous l’avons vu, l’inertie est importante avec des stocks de dettes dont les maturités sont encore lointaines…

Heureusement, si les taux de rendement des fonds en euros ne sont pas aussi flexibles que ceux de l’épargne réglementée, les compagnies d’assurance vie ont tout de même un atout dans leurs manches, via leurs provisions. En effet, tous les ans, elles conservent une partie des bénéfices pour les redistribuer dans un délai de 8 ans, dans l’optique de lisser les rendements.

Or, il se trouve que ces réserves de cash sont à un niveau très élevé… Le changement de cycle constitue donc le moment idoine pour utiliser ces réserves. Cela sera-t-il suffisant ?

A n’en pas douter, la saison des résultats qui aura lieu en début d’année 2023 avec les performances de 2022 sera un test majeur. En effet, si d’ici là la pression inflationniste ne baisse pas d’un cran, ce sera l’occasion pour de nombreux épargnants de constater pour la première fois l’écart de rentabilité entre les fonds en euros et le Livret A. Avec les risques que cela implique…

Emmanuel Mayega
A propos de l'auteur

Directeur de la rédaction et de la publication du magazine Assurance & Banque 2.0 et de ce site, Emmanuel a une connaissance accrue de l’intégration des technologies dans l’assurance, la banque et la santé. Ancien rédacteur en chef de ce magazine, il a pendant plus d'une décennie été rédacteur en chef adjoint d’Assurance & Informatique Magazine. ll est un observateur affûté du secteur. Critique, il se définit comme esprit indépendant et provocateur, s’il le faut.

Site web : http://www.assurbanque20.fr

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