Longtemps vouées aux gémonies pour avoir contribué à l’orchestration de la première bulle Internet, les jeunes pousses sont désormais portées au pinacle. Et en odeur de sainteté dans la finance. Par un sacré tour de passe-passe dont le marketing croit garder le secret.

Retour de l’enfant prodigue et prodige. Ou presque. Sortie de la famille de l’économie traditionnelle, celle que l’on appelait Brick and mortar, hein !, vous vous souvenez sans aucun doute, les Start-up ont opéré leur come-back, pardon, leur retour en force, nourris sans compter par les grands comptes (pontes) de l’économie. Ceux-là même qui, hier encore, voire même aujourd’hui, refusent de les incuber, donnant ainsi au Crowdlending l’espoir de contribuer à l’amorçage de tout un pan de la créativité française. Depuis quelques mois, la grande majorité des groupes bancaires et d’assurance a décidé de sortir le carnet de chèques. Non pour financer directement des idées longtemps jugées farfelues car portées par des structures chancelantes et balbutiantes, j’ai nommé les start-up. Mais pour encourager des idées qui pourraient les préparer ou leur donner l’illusion de se préparer  (c’est kif-kif) à trouver des modèles inédits pour contrer l’ogre digital, en l’occurrence Google, ou pire encore, l’hydre à quatre voire cinq faces : les Gafa. Au passage, ils gagnent en retombées marketing. Car là est la mise et sa transformation, non pas digitale, mais stratégique.

En accordant un crédit à une start-up, le rayonnement d’une telle action risque d’avoir des retombées minimales en termes de communication et de marketing. En revanche, déployer un programme d’accompagnement de ces jeunes structures permet d’être dans le vent ; de tenir le haut du pavé ; de montrer que l’on existe. Cela rapporte mille fois mieux qu’une campagne marketing à quelques millions d’euros. En plus, cela permet de faire bonne figure. Lever de boucliers ? On se calme. Ce n’est qu’une hypothèse d’école, donc respectable, comme toute autre.

L’autre piste, incarnée certainement par quelques visionnaires sérieux en cravate et costard sombre sur chemise blanche, la volonté d’inciter réellement la recherche nationale et d’accompagner une pépinière dont les jeunes pousses ont, paraît-il, changé de comportement. Si la cravate reste toujours au vestiaire, le sérieux des entrepreneurs classiques est là. Le business plan est de plus en plus solide. Et puis, elle accepte de travailler sur des idées qui pourraient faire avancer l’assurance et la banque en danger, dans un monde où le risque de vulnérabilité est protéiforme. Du coup, start-up et brick and mortars forment un couple nouveau uni par l’intérêt commun. A qui profite la mise ? Gagnant-gagnant, vous lancera monsieur langue de bois. Plus subtil, pourtant.

Intervenant pour incuber ces jeunes, les grands y trouvent un intérêt autrement plus important. Car existentiel. Les start-up également, me direz-vous, à raison. Une question s’impose, pourtant : les  retombées seraient-elles les mêmes si AXA, BNP Paribas voire Allianz disparaissaient de notre radar économique en même temps que quelque start-up en mal de financement ? L’interrogation est clairement plus importante que la réponse.

Clairement, dans leur nouvelle générosité intéressée, les grands groupes en profitent à tous les niveaux : des bonnes pratiques des jeunes pousses (conduite de projet, réactivité, droit à l’erreur, etc.) et de la magie créatrice des jeunes pousses, même si, en contrepartie, elles grappillent quelques milliers d’euros. A ma connaissance, le travail des plus jeunes est prohibé dans ce pays. Sauf quand il pousse les grandes entreprises à se rassurer. Scandaleux, pour beaucoup, quand on sait que ces mastodontes consentent à payer sans sourciller, des milliards au fisc américain pour des comportements jugés malsains. L’Europe devrait leur imposer une taxe sur l’exploitation de jeunes pousses. Ne serait-ce que pour rivaliser avec la légèreté punitive américaine.

Emmanuel Mayega
A propos de l'auteur

Directeur de la rédaction et de la publication du magazine Assurance & Banque 2.0 et de ce site, Emmanuel a une connaissance accrue de l’intégration des technologies dans l’assurance, la banque et la santé. Ancien rédacteur en chef de ce magazine, il a pendant plus d'une décennie été rédacteur en chef adjoint d’Assurance & Informatique Magazine. ll est un observateur affûté du secteur. Critique, il se définit comme esprit indépendant et provocateur, s’il le faut.

Site web : http://www.assurbanque20.fr

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