Il est presque passé inaperçu cette semaine, le forum de la Banque Mondiale sur la fragilité. Et sonnait comme une affaire de spécialistes. Que devient la fragilité, thématique que nous replaçons volontiers dans notre contexte mondial du digital banalisé ? Institutionnels et secteur privé ont planché sur un thème que bon nombre d’acteurs économiques considèrent encore comme apanage des pays pauvres voire en développement. Erreur.

Oui, belle erreur que celle de considérer la fragilité comme une problématique réservée à une seule partie de la population mondiale. De Jim Yong Kim président de la Banque Mondiale, à Nancy Lindborg, présidente de l’Institut de la Paix américain (USIP), en passant par Catherine Samba Panza, Présidente de la République Centrafricaine (RCA), le message substantiel est le même : la fragilité prospère dans les zones conflictuelles et au-delà. En clair, elle est désormais, partout, y compris dans nos pays économiquement avancés où le conflit rythme notre quotidien. Certes, les pays fragilisés par les guerres, parfois à répétition, ont tenu le haut du pavé ; mais le programme des débats à parfois offert, comme ironie à ce forum et à la société, un clin d’œil à notre vision réductrice de la fragilité. C’est le cas quand il a servi, sur un plateau presqu’en or, le thème de la violence urbaine et de la pauvreté dans le modèle de ville sécurisée. Un modèle qui semble-t-il, emprunte à nos villes de demain, nos cités occidentales aseptisées par le digital, mais où le risque de fragilité reste prégnant (v(i)ols, agressions, attentats, harcèlements, etc.). Mais comment lutter contre ce fléau rampant de la fragilité ?

Tous les panels constitués répondent à l’unanimité : en travaillant main dans la main, de Saroj Kumar Jha, Senior director du département fragilité à la Banque Mondiale à la Tunisienne Wided Bouchamaoui, Prix Nobel de la Paix 2015. Synergie, tel est le maître-mot, que viennent effacer co-construction et autre co-quelque chose, des concepts phares du paradigme Internet et des Start-up, connus des acteurs civils. Indubitablement, ils envahissent la sphère de la gestion des conflits, à la faveur des interactions avec le monde privé.

Car celui-ci était fortement bien représenté à ce forum, à travers des panélistes qui ont montré comment leur monde peut contribuer, à travers le développement économique, à la transformation du fragile en force. Mais comment ces acteurs peuvent-ils éclore dans un environnement plein de risques ? L’on pense de suite à la place que pourrait jouer l’assurance dans ces environnements : transfert du risque politique et de faillite. Avec, en toile de fond, la nécessité de trouver des fonds. Certes la microfinance fait déjà son petit bonhomme de chemin, au même titre que la micro-assurance. Mais, tout reste ici à inventer, y compris le recours au crowdfunding, une alternative aux réticences des banques à financer en cas de garanties insuffisantes ou inexistantes et, pourquoi pas, au micro-don, voire à la tontine, des expériences qui n’attendent pas toujours l’arrivée des grandes organisations internationales pour faire la preuve de leur efficacité et la montrent parfois face justement aux limites de ces mastodontes financiers que sont ces structures dont certaines restent empêtrées dans des guerres fratricides et ne travaillent donc pas main dans la main. Cela prouve, si besoin était encore, leur fragilité à elles également. Un prochain thème en profondeur sur la fragilité des organisations internationales pourrait d’ailleurs être organisé l’an prochain, appel du pied adressé à Mme Ozong Agborsangaya, Senior Operation Officer et organisatrice de cet agora.

Plus sérieusement, à l’heure du digital généralisé et du Smartphone, la fragilité semble s’installer durablement dans nos vies, sur fond de terrorisme. Et nos sociétés peinent à se relancer malgré une transformation digitale qui porte à bout de bras une demande timorée par la peur. Dans plus d’un pays occidental, l’assurance de bénéficier d’une couverture maladie efficace devient une utopie quand on prend en considération les tarifs désormais proposés. Les villes dites intelligentes (Smart cities) n’ont pas forcément la garantie d’être sans risques ; que dire de nos moyens de transport exposés à tous les attentats ? Un nouveau plan contre la fragilité doit être pensé, dans une logique inclusive, entendez, avec l’implication de tous. De ce point de vue, la Banque Mondiale pose les bases d’une réflexion à laquelle chacun de nous doit prendre part : banques, assurances, consommateurs, Etats, femmes, handicapés, etc. Clairement, la co-construction, modèle opérationnel véhiculé par le digital semble la meilleure réponse. Inclusivement vôtre.

Emmanuel Mayega
A propos de l'auteur

Directeur de la rédaction et de la publication du magazine Assurance & Banque 2.0 et de ce site, Emmanuel a une connaissance accrue de l’intégration des technologies dans l’assurance, la banque et la santé. Ancien rédacteur en chef de ce magazine, il a pendant plus d'une décennie été rédacteur en chef adjoint d’Assurance & Informatique Magazine. ll est un observateur affûté du secteur. Critique, il se définit comme esprit indépendant et provocateur, s’il le faut.

Site web : http://www.assurbanque20.fr

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