Nous n’avons pas fini de régler nos comptes avec les effets du numérique. Pire, nous en sommes, seulement, à l’aube d’une mutation qui nous impose un nouveau modèle de vie où analphabète implique également manque de maîtrise du digital. Du coup, l’enjeu devient Sociétal. Les pouvoirs publics montent au créneau.
Les premiers Smartphones conféraient à leurs détenteurs le rang de véritables VIP. Des nantis que la généralisation actuelle a balayés. Laissant la place à tout un monde de possibilités infini. Car l’innovation digitale est devenue la règle. Avec son pendant dénoncé par les bien-pensants : l’obsolescence programmée. Toujours plus, aurait paraphrasé François de Closets. Davantage de mémoire, de fonctionnalités, de puissance en termes de connexion. Et de difficultés. Nous ne reviendrons pas ici sur la pandémie de la cybercriminalité sources de bien de maux. Centrons-nous sur la culture que ce nouveau monde nous impose. Nos enfants ont désormais tout le savoir à portée de quelques clics. Un savoir loin d’être validé par les sachants. Pire, cette génération zapette surfe sur tout et sur rien en même temps. Au final, il sait tout. Ou croit tout savoir. Car sous le vernis, se confine une vraie situation de demi-culture. Le consommateur sait sans savoir, parle superficiellement de tout. Avec tout le monde. Sur ce dernier point, il va même parfois jusqu’à ce mettre en danger. Car derrière la souris, se cache parfois, non pas un chat, mais un vrai lion déguisé. Et prêt à bondir. Danger potentiel.
Conscient de ce risque et des dérapages déjà enregistrés, le monde se mobilise. Parmi les premiers sur le pont, figurent les assureurs. Le bon sens numérique est né chez AXA. Qui a poursuivi en lançant le Permis informatique. En sa qualité de gestionnaire de risques, normal qu’il soit en première ligne pour traquer ceux qui émergent. Et ils sont dangereux. Tellement dangereux que les pouvoirs publics jugent urgent d’intégrer le code informatique à l’école. C’est, en tout cas, le sens de la proposition de loi initiée par la députée Laure de la Raudière et certains de ses compères. Elle entend faire du code informatique un des savoirs prioritaires distillé à l’école, au même niveau que l’apprentissage de la langue française, la maîtrise de la lecture et l’utilisation des mathématiques. Rien que cela !
On se souvient que cette idée avait été émise déjà par Syntec numérique. Pour cet organisme, une telle proposition de loi correspond à la nécessité d’insertion, sociale et professionnelle des jeunes, mais également à la constitution d’une génération citoyenne en prise avec la modernité. En fait, dans un monde désormais ouvert, elle prépare nos jeunes à un univers du digital où maîtriser les codes technologiques devient incontournable. Telle la langue d’une communauté, le langage digital devient le passeport pour l’intégration. Comme un enfant qui ne sait parler aucune langue, l’analphabète informatique sera mis au ban de la société, tant qu’il n’aura pas appris à parler. Pierre Legendre l’aborde dans sa « Communication dogmatique ». Une communication singulière où l’on accède à l’échange uniquement si l’on a payé son ticket d’entrée sous la forme d’un apprentissage, en l’occurrence, digital.
En l’état actuel de cette proposition, difficile de savoir si ce permis de maîtriser l’informatique sensibilise également aux risques sous-jacents. Cela est d’autant plus déterminant que, devenus des acteurs de plein exercice de l’informatique, les jeunes n’auront plus d’excuse ou de tutelle, leurs aînés étant de moins en moins aguerris … sur le plan digital.
Emmanuel Mayega
Rédacteur en chef
