La nouvelle est tombée ces jours-ci. Inédite. Insoutenable : certains consommateurs français renonceraient à toute ou partie de leurs soins, faute de moyens. De qui se moque-t-on ?
Dans ce monde où les informations s’entrechoquent du fait de leur trop plein, il est normal que certaines nouvelles passent à la trappe. Un sondage, aussi légitime soit-il, aura suffi pour que tout le monde relaie la fameuse prétendue information : de nombreux Français renoncent aux soins, faute de moyens et à cause de la crise. En fait d’info, il n’en est rien. Nos lecteurs ont eu le privilège de le découvrir à travers nos successives colonnes depuis au moins dix-huit mois. Oui, depuis longtemps, de nombreux compatriotes doivent arbitrer entre se soigner et chauffer leur appartement ou, alors, tout simplement manger. Certains porteurs de risques ont même déjà mis au point des offres ciblant cette population fragile. Face aux problèmes dentaires, elle se résigne, faute de moyens. Que dire de l’optique devenue un objet de quasi-luxe ? Elle est pour beaucoup désormais inaccessible, malgré des binocles pourtant fabriqués en Chine, achetés pour une bouchée de pain à Aubervilliers par certains professionnels véreux mais vendu à prix d’or pour les yeux des plus démunis. Les réseaux de modération tarifaire n’y font rien. La douloureuse, quand elle est annoncée à l’assuré, n’est pas dans ses cordes. Le chômage, la montée en puissance de la fiscalité et les taxes diverses appliquées aux contrats (TSCA, par exemple) et vite répercutée sur les tarifs des assuré, rendent davantage moins accessible la couverture des risques et tout particulièrement ceux dits complexes.
Quelles solutions pour ces victimes de la fracture médicale ? Difficile à dire tant les options proposées peinent à guérir sur un parcours de soins emprunté uniquement par ceux qui perçoivent un minimum vital. N’en déplaise à Marisol Touraine, ministre de la Santé, la nouvelle stratégie nationale de santé mise au point et présentée récemment ne prend pas sérieusement en compte cette problématique de l’accès aux soins pour tous. Certes, en proposant une nouvelle méthode de distribution de médicaments en détail, on pourra faire revenir quelque plus démuni dans les officines. Soit. Mais là n’est pas le véritable problème. Il se situe, encore une fois, sur le terrain du tiers payant complexe à l’heure où l’Etat a organisé la débandade de l’Assurance maladie. Jour après jour, le désengagement de la Sécu laisse les assurés les plus faibles au bord de la route. Fracture médicale ? Sociale avant tout. Maintenant que les caisses publiques sont vides seule une structurelle baisse du chômage pourra y remédier.
En attendant, des alternatives sont expérimentées de temps à autre, ici et là. Où l’on apprend, depuis quelque temps, que faire du sport sur ordonnance, par exemple, pourrait être une solution à la portée de beaucoup comme c’est désormais monnaie courante en Suède. Les toubibs y proposent souvent cette pratique comme alternative thérapeutique ; selon le Courrier international, qui rapporte l’information publiée par le quotidien Dagens Nyheter, plus de 100 000 ordonnances ont été comptabilisées l’an dernier. Et l’effet serait parfois supérieur au médicament. On y arrive timidement en France. Quid des lunettes et des problèmes dentaires ? A l’évidence, la pratique du sport ne les limiterait pas dans l’immédiat. Vivement d’autres solutions. Elles peuvent également venir de votre camp, chers assureurs.
Emmanuel Mayega
Rédacteur en chef