En affirmant que toute différence tarifaire basée sur le sexe est interdite, la Cour de Justice fait disparaître un avantage pour les femmes, pourtant justifié par le fait que ces dernières coûtent moins cher aux assurances. Pourtant, dans une précédente Directive de 2004 qui instaurait l’égalité hommes-femmes dans l’accès aux biens et services, le secteur de l’assurance faisait l’objet d’une dérogation lorsque le sexe était un facteur déterminant dans l’évaluation des risques.

Dans le domaine de l’assurance-emprunteur, les femmes payaient ainsi de plus faibles primes du fait de leur espérance de vie plus importante et un profil moins à risque, se traduisant par un plus faible risque d’activation de la garantie-décès (moins de victimes de cancers, moins de fumeuses, moins d’accidentées de la route, etc.). Cet avantage a aujourd’hui disparu. Magnolia.fr constate en 2018 que sur une base de 5.532 souscripteurs à un contrat d’assurance-emprunteur, 3.116 assurés sont des hommes et 2.415 des femmes, soit 56% d’hommes. La différence est encore plus importante pour les emprunteurs seuls, où l’on dénombre 1.186 hommes contre 560 femmes, c’est-à-dire 68% d’hommes.

Ces fortes disparités concernant l’accès à la propriété sont notamment dues au fait que les femmes gagnent en moyenne 25 % de moins que les hommes par an et, en équivalent temps plein, elles perçoivent 17 % de moins par an. De même, à poste et expérience équivalents, les femmes touchent 12,8 % de moins que les hommes. A caractéristiques professionnelles comparables, l’écart salarial s’élèverait à 8 %.

On notera ainsi que le montant moyen emprunté chez Magnolia.fr est de 174.337 euros pour un homme seul, contre 165.674 pour une femme seule, et 206.000 euros pour un couple. Les femmes seules empruntent donc 11% de moins que les hommes. L’inégalité se constate également dans le taux de crédit, qui s’élève à 1,6% pour un homme seul, contre 1,76% en moyenne pour une femme seule, et 1.76% pour un couple. Le taux de crédit est supérieur sans aucune explication.

Autre élément à souligner, la durée du crédit est plus longue de 20 mois pour les femmes : 211 mois pour une femme seule et 190 mois pour les hommes.

L’assureur emprunteur, poule aux œufs d’or pour les banques, ça on le savait. Mais ce produit semble ne pas s’arrêter là en termes d’injustice. Il semblerait qu’il porte en lui les inégalités entre hommes et femmes lors de la souscription. On le voit dans la démonstration du courtier Magnolia.fr. Selon ce spécialiste, pour les personnes qui empruntent en couple, l’homme a généralement une quotité supérieure à celle des femmes : 79% pour celles-ci contre 86% pour les hommes. Ces derniers paient plus cher du fait qu’ils prennent une couverture plus importante. Cela s’explique bien évidemment par les différences de salaire entre hommes et femmes.

Pour autant, la prime moyenne d’assurance de prêt sur la durée totale du crédit s’élève à 4.931 euros pour une femme seule et 4.589 euros pour un homme seul. Cela s’explique notamment par un taux moyen plus élevé pour une femme : 0.172% contre 0.16% pour un homme. 

Pourquoi les femmes paient-elles davantage malgré un montant emprunté moins élevé ?

Principalement à cause de leur profession : les femmes sont moins nombreuses à bénéficier du statut de cadre, qui offre à l’emprunteur un tarif moins élevé. 20% des hommes sont cadres contre 14,7% des femmes.

« Parmi les emprunteurs référencés chez Magnolia.fr, les inégalités hommes-femmes se vérifient de manière criante : 31% des hommes qui ont souscrit une assurance de prêt chez Magnolia.fr sont cadres contre 11% des femmes. Ceci se traduit de manière directe sur le niveau de salaire, qui impacte lui-même la durée du crédit et donc le taux de la prime d’assurance emprunteur », déplore Astrid Cousin, porte-parole de Magnolia.fr.

En somme, en voulant établir une égalité entre les hommes et les femmes face au marché de l’assurance, le législateur a provoqué de nouvelles inégalités ayant des répercussions immédiates sur l’accès au crédit et sur la prime d’assurance. La profession et le statut cadre, plus fréquent chez les hommes que chez les femmes, en sont les principales causes.

Emmanuel Mayega
A propos de l'auteur

Directeur de la rédaction et de la publication du magazine Assurance & Banque 2.0 et de ce site, Emmanuel a une connaissance accrue de l’intégration des technologies dans l’assurance, la banque et la santé. Ancien rédacteur en chef de ce magazine, il a pendant plus d'une décennie été rédacteur en chef adjoint d’Assurance & Informatique Magazine. ll est un observateur affûté du secteur. Critique, il se définit comme esprit indépendant et provocateur, s’il le faut.

Site web : http://www.assurbanque20.fr

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