Où en est la mutuelle d’entreprise obligatoire sur le terrain après les premiers mois de son entrée en vigueur ? A en croire le sondage réalisé par cette structure, l’ANI crée une santé à deux vitesses.

Au départ, cette réforme qui fait couler beaucoup d’encre était présentée dans ses principes comme une vraie avancée. Selon cette étude réalisée par M comme Mutuelle auprès de PME des Hauts-de-France et de Haute-Normandie deux mois après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, cela ne semble pas être le cas pour l’ensemble des salariés.

Premiers constats, le manque d’empressement avec lequel se sont équipées les entreprises. Ainsi, 48 % des PME interrogées se sont mis en conformité avec la loi entre le 1er janvier et la fin février 2016. Une donnée que M comme Mutuelle confirme : « traditionnellement, les fins d’année sont chargées mais pour 2015-2016, l’activité était sans comparaison possible. En janvier et février 2016, nous avons encore mis en place des contrats là où généralement l’activité est plus calme », indique Matthieu Stankowiak, directeur du développement chez M comme Mutuelle. Loi ou pas, il n’en demeure pas moins que subsiste une frange de réfractaires à la mutuelle d’entreprise. « Ils ne veulent pas s’équiper, car ils savent qu’il n’y a pas de sanction, si ce n’est d’éventuels recours aux prud’hommes. Quant aux TPE où l’on travaille en famille, la peur de la sanction est encore plus virtuelle », poursuit Matthieu Stankowiak. Selon le sondage, la proportion d’entreprises non équipées est de 5 à 15 % des TPE / PME.

En outre, dans 90 % des cas, les employeurs ont opté pour la prise en charge minimum légale. Le panier de soins minimum fixé par la réglementation a eu pour effet de baisser globalement la qualité de la prise en charge. Pour les spécialistes de M comme Mutuelle qui observent aussi ce phénomène, le progrès promis s’est en réalité traduit par une dégradation des protections. « Alors que la complémentaire santé obligatoire devait permettre à tous les salariés du privé de mieux se soigner en facilitant l’accès à la mutuelle via l’entreprise, on constate au final que les personnes ne sont pas couvertes de manière suffisante » explique M comme Mutuelle. Il y a un vrai décalage entre les mutuelles mises en place dans les petites entreprises, sous l’impulsion de la réglementation, et les besoins des salariés et de leurs familles. En conséquence, ces derniers sont amenés à prendre des sur-complémentaires, ou à garder leurs anciennes complémentaires santé individuelles pour compléter la mutuelle de l’entreprise. »

En fait, l’ANI apparaît comme une régression de la couverture des soins dans tous les cas. Pour les entreprises non équipées avant le 1er janvier 2016, les employeurs ont privilégié les protections à minima, ne prenant le plus souvent en charge que le salarié mais pas sa famille. Et dans des entreprises déjà équipées avant le 1er janvier, la recherche du meilleur prix ajoutée aux limites du contrat responsable (autre réglementation survenue en 2015) a accentué la dégradation de la prise en charge des soins. La mise en conformité avec la nouvelle loi s’est transformée en occasion de payer moins, et par conséquence de protéger moins.

Selon Matthieu Stankowiak, « ce qui s’est passé est simple à comprendre : les contrats ont été revus pour s’aligner sur le panier minimum fixé par la Loi. Les garanties ont donc baissé et la participation de l’employeur a souvent été ramenée aux 50 % de la cotisation, le minimum imposé, alors qu’ils étaient parfois au-dessus. Et bon nombre, soit 51 % des sondés, ne couvrent plus que les salariés (les conjoints ou enfants ne sont plus couverts). En période économique tendue, les entreprises cherchent aussi à optimiser leurs charges : il y a eu là un effet d’aubaine, immédiat et important, surtout dans les entreprises de plus grandes tailles ».

A l’arrivée, les salariés, moins bien couverts doivent donc se protéger individuellement. Ce qui explique la très forte activité sur le marché des offres individuelles, là où l’on prédisait une forte baisse. Pour M comme Mutuelle, Cela a pour corollaire l’émergence d’une santé à deux vitesses : « d’un côté, les salariés qui ont les moyens de renforcer la mutuelle d’entreprise et de l’autre ceux qui ont des petits revenus et ne peuvent pas ».

Moralité selon M comme Mutuelle, « ces constats doivent être pris en compte avant de déployer dans la précipitation et sans concertation la mutuelle universelle » pour les séniors, ou pour les jeunes.

Le sondage a été réalisé fin février 2016 pour M comme Mutuelle, auprès de 261 chefs de PME de moins de 50 salariés.

Emmanuel Mayega
A propos de l'auteur

Directeur de la rédaction et de la publication du magazine Assurance & Banque 2.0 et de ce site, Emmanuel a une connaissance accrue de l’intégration des technologies dans l’assurance, la banque et la santé. Ancien rédacteur en chef de ce magazine, il a pendant plus d'une décennie été rédacteur en chef adjoint d’Assurance & Informatique Magazine. ll est un observateur affûté du secteur. Critique, il se définit comme esprit indépendant et provocateur, s’il le faut.

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