Le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi et celui sur la consommation sont l’occasion d’un débat houleux dans la profession. Tant mieux, serait-on tenté de dire. Ce serait oublier que ces chantiers sont abordés dans le secteur sous un angle exclusivement assurantiel. Ou presque. Pourtant, il s’agit bien de véritables choix de société, avant tout. D’accord ou pas, ce n’est pas le débat. En revanche, il faut explorer tous les contours de ces normes. Or ce n’est pas le cas, à mon sens.
Dans l’assurance, on ne parle que de l’Article 1 de l’ANI. Vous savez, celui-là même qui va encadrer la généralisation de la couverture complémentaire santé à tous les salariés. Normal, me direz-vous. Charité mal ordonnée commencerait par les autres. Pour autant, l’arbre de la complémentaire santé pour tous cache une forêt de nouveautés qui vont toucher les assureurs en tant qu’employeurs et comme acteurs économiques. Pourquoi éluder les mesures sociétales incluses dans l’ANI au profit de points, certes tout aussi importants, mais pas forcément davantage que d’autres parmi lesquels la sécurisation de l’emploi, idée fondatrice même de l’ANI. Car les consommateurs salariés ne sont ils pas des assurés potentiels ? Leur chômage aurait, à n’en pas douter, un effet sur la consommation, y compris de contrats d’assurance ! Se focaliser sur un article, fut-il celui lié à l’assurance, me paraît, ne vous déplaise, ami lecteur, faire preuve d’un nombrilisme réducteur. Courtiers, compagnies et autres mutuelles, vous avez beau être assureurs, vous n’en êtes pas moins des entreprises comme les autres. Les syndicalistes ne s’y sont pas trompés : invités à débattre sur la loi du 13 janvier dernier, ils ont presque systématiquement tous rappelé que l’article 1 était loin d’être le plus significatif de l’ANI. Certaines institutions de prévoyance (IP) l’ont également rappelé. Le font-elles pour des raisons citoyennes ou pour éviter de parler de la fameuse clause de désignation qui les a propulsées sur la sellette à leur corps défendant ? La question leur est posée. Et se veut plus importante que la réponse.
Beaucoup pourront contester ma vision de ce quasi-nombrilisme qui motive l’assurance à se vautrer sur elle-même. Pourtant, un fait, nouveau, celui-là, sous la forme d’une autre réglementation vient corroborer mon regard, si besoin était : la loi sur la consommation. Exit les actions de groupe à la française longtemps rêvées par le consommateur face aux abus de certains acteurs économiques ; place à l’évolution de la procédure de résiliation des contrats dommages. Et quelle place ! Ce sera la « cata pour les assureurs », nous promet-on. A l’évidence, il s’agit d’un changement important. Mais pourquoi diable vouloir en faire la quintessence d’une loi autrement plus large ? Certes, cette nouvelle norme va modifier les règles du jeu concurrentiel en repositionnant le débat sur le terrain tarifaire. Et alors ? Au pire, ce crime de lèse-tarif profiterait au client, celui-là même que tous les assureurs déclarent considérer comme Roi. Et à ce titre, doit bénéficier de toute leur sollicitude, y compris tarifaire, n’est-ce pas ?
Par ces temps de crise, le réflexe du corporatisme pourrait tenter plus d’un. Dans une économie mondialisée, il perd, toutefois, ses plus ardents tenants. Un conseil, tablez sur l’ingéniosité et l’innovation. Au pouvoir, elles sont reines de tous les succès. Heureusement, certains parmi vous l’ont déjà compris. Suivez mon regard.
Emmanuel Mayega
Rédacteur en chef